QRA, Quick Reaction Alert

Quick Reation Alert
Scramble!

Le ciel est bas sur Florennes en ce début d'après-midi. A quelques dizaines de mètres de la piste secondaire, entre deux hangarettes, se dresse un petit bâtiment en briques, le "QRA" (Quick Reaction Alert). A l'intérieur, quatre hommes : deux techniciens et deux pilotes. Ils ont pris la relève de leurs collègues à 8 heures du matin. Tous les quatre, ils vont effectuer un tour de garde un peu particulier pendant 24 heures.

"Sting" a déjà plusieurs milliers d'heures de vol à son actif. Il ne compte plus les QRA. "Max", quant à lui, est arrivé il y a quelques semaines à l'escadrille. Comme il est "basic combat ready", il peut déjà assurer les missions de police du ciel. A leur arrivée, ils ont pris connaissance de la météo et des NOTAMS du jour. Ils sont allés aux avions voir s'ils sont servicibles et prêts à décoller, plate-forme inertielle déjà alignée. En cas de problème sur l'un des appareils, ils devront utiliser l'avion "spare". Mais tout est en ordre.

Lentement, imperturbablement, les nuages gris défilent d'ouest en est. Sur un parking voisin, le bruit de quelques réacteurs se fait entendre. Ce calme relatif est brusquement interrompu par le son strident d'une sirène. En quelques secondes, pilotes et mécaniciens se ruent vers les avions. Il y a cinq minutes, le CAOC a été informé que toute communication radio a été perdue avec un avion de ligne sur le point de traverser l'espace aérien belge. Il a immédiatement contacté le Wing Ops de Florennes et le CRC de Glons. L'alerte est lancée. Les deux F-16 disposent de moins de dix minutes pour décoller. Les deux pilotes se sanglent dans leur cockpit et procèdent aux dernières vérifications avant de démarrer les réacteurs. Très vite, les appareils prennent vie. Les cales et les dernières sécurités sont retirées. En moins de six minutes, ils sont déjà sur le taxiway et roulent vers la piste 26.

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Pleine postcombustion enclenchée, "Sting" et "Max" s'arrachent à la terre ferme. Les roues rentrent dans leur logement et les deux F-16 prennent de la vitesse. Les pilotes se mettent sur la fréquence de Belga Radar qui passe ensuite le relais au CRC de Glons pour recevoir les informations sur leur "target". Avec l'aide du contrôleur, de leur radar de bord et de l'IFF, ils vont à présent devoir se faufiler au milieu du trafic aérien et retrouver l'airliner qui évolue à 25 000 pieds.

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Les nuages bas sont déjà loin derrière les deux jets qui continuent de grimper dans un ciel devenu uniformément bleu. Il ne faut pas longtemps pour repérer l'avion. Les deux pilotes vont maintenant se rapprocher pour identifier le "suspected renegade", dans ce cas-ci d'un Airbus A330 d'une compagnie charter. Alors que "Max" reste derrière, dans le domaine de tir, "Sting" se porte à la hauteur du cockpit du long courrier. Il essaye de le contacter sur la fréquence d'urgence et sur d'autres fréquences UHF et VHF. S'il ne répond toujours pas, il s'efforcera de communiquer avec le pilote par signes et, si nécessaire, lui ordonnera de le suivre et de se poser sur un aéroport spécifique. En cas de refus, et si l'avion est considéré comme un "renegade", c'est-à-dire un avion piraté utilisé à des fins terroristes, "Sting" pourra tirer des coups de semonce avec des leurres thermiques ou son canon. Chacune de ces étapes sera effectuée en coordination avec le contrôleur de Glons. Mais, à un certain moment, les ordres devront être donnés par le ministre de la Défense. Les pilotes demanderont alors au contrôle d'authentifier les ordres pour être bien sûrs de la procédure qu'ils vont devoir suivre. Si l'ordre d'abattre l'avion est donné, "Sting" dégagera et "Max" tirera un missile AIM-120 AMRAAM, une solution plus efficace et plus radicale que le tir d'un Sidewinder qui pourrait n'endommager qu'un moteur. Le système d'armes sera en tous les cas employé de manière à minimiser les risques au sol.

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Mais nous ne sommes pas dans ce cas de figure extrême. Toutefois, les trois avions viennent de quitter l'espace aérien belge et survolent à présent le nord de la France. Les pilotes poursuivent pourtant leur mission, comme le prévoient les accords internationaux conclus avec la France et les pays limitrophes. De ce fait, ils passent juridiquement sous le contrôle des autorités militaires et politiques françaises et sont dès à présent tenus d'obéir aux directives qu'elles leur donneront.

Le contact s'établit enfin avec l'avion de ligne. Le problème de communication étant résolu, les deux F-16 remettent le cap sur Florennes, toujours enveloppée de grisaille, où ils se posent quelques minutes plus tard.

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De retour au parking, les deux appareils rejoignent leur hangarette. Les techniciens replacent les sécurités armement pendant que les pilotes effectuent les vérifications d'usage.

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Chaque avion est treuillé en arrière dans sa hangarette. Quelques minutes plus tard, les réacteurs s'éteignent. La mission est terminée mais fait place à un nouveau compte à rebours. Les avions vont à présent être remis en œuvre et devront à nouveau être à la disposition du CAOC dans une heure...

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A partir de 1957, l'OTAN a mis sur pied des flights d'alerte, de jour d'abord, puis 24 heures sur 24. L'effondrement du bloc de l'Est a entraîné une semi-mise en sommeil du QRA qui a été réactivé après les attentats du 11 septembre 2001. Aujourd'hui encore, deux F-16 belges sont en alerte 24 heures sur 24, 365 jours par an pour répondre à toute menace éventuelle. Ils décollent régulièrement, que ce soit dans le cadre d'une alerte similaire à la mission fictive décrite ci-dessus, pour assurer la protection d'un sommet européen ou tout simplement à des fins d'entraînement. Dans ce cas, les deux avions peuvent être employés comme plastrons au profit de jeunes pilotes en formation à l'OCU de Kleine-Brogel, par exemple.

Rappelons enfin que dans le cadre de l'Alliance Atlantique, la Belgique a déployé en 2004 des F-16 en Lituanie, sur la base de Siauliai pour y assurer la police du ciel au-dessus des Etats baltes et que les F-16 de la Composante Air sont également engagés à Kandahar, en Afghanistan, dans des missions d'alerte de type GCAS ou XCAS, c'est-à-dire une alerte au sol à quinze minutes ou en vol, pour effectuer de l'appui aérien rapproché (close air support) au profit des troupes de l'ISAF en difficulté.


Texte: V. Pécriaux

Photos : V. Pécriaux, Daniel De Wispelaere


Merci à IPR Comopsair pour les facilités accordées à la réalisation de ce reportage ainsi qu'à "Cz", "Djaba" et aux techniciens présents au QRA le jour de notre visite.


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