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Carnets de vol: Antoine Gaye

Carnets de vol


Carnets de vol: Antoine Gaye

Antoine Gaye entre à la Force Aérienne en 1950 comme élève-pilote de la 119ème promotion. Il suit sa formation de base à Saffraanberg avant de partir pour l’EPE de Gossoncourt.

"Quand je suis arrivé à Gossoncourt, j'ai été accueilli par un cadre qui comptait de nombreux vétérans de l'aviation militaire d'avant 1940. A l'époque, le personnel navigant était recruté parmi les classes sociales favorisées, ce qui n'empêchait pas de nombreuses exceptions. Ce beau monde avait un vernis qui contrastait avec les braves kakis de l'Ecole du Génie que je venais de quitter.

Parmi nos moniteurs, certains étaient nimbés des gloires de l'évasion et des opérations aériennes de la RAF. A partir de 1952, le gonflement des effectifs de la Force Aérienne réclama le développement des écoles de pilotage. Le cadre instructeur fut formé avec de jeunes pilotes d'escadrille. Le Canada et les Etats-Unis ouvrirent leurs écoles aux Européens. Les élèves-pilotes destinés à ces centres étaient préparés par des stages de vol en SV4 à Nivelles, à Wevelgem, à Raversijde… Je suis pour ma part resté en Belgique..

Le SV4 était un avion de conception et de construction belge qui se caractérisait par une souplesse et une précision de pilotage remarquables mais exigeantes pour un néophyte. Bref, c'était un extraordinaire outil pédagogique. Contrairement aux Tiger Moth, qui collectionnaient les barrettes d'ancienneté, les SV sortaient d'usine et sentaient encore la peinture et le vernis. Ils étaient en outre équipés d'un tableau de bord complet, d'un démarreur électrique et d'une roulette de queue. Sur les 60 heures de vol prévues à l'EPE, je n'en ai effectué que 37. Le rêve, je le vivais éveillé."

Vient ensuite le passage par l'EPA et ses Harvard.

"Aux Etats-Unis, on l'appelait T-6 mais les Anglais l'avaient baptisé Harvard. La Force Aérienne était la fille fidèle de la RAF pour ses nomenclatures, son style et son sérieux. Nombreux étaient les instructeurs qui avaient fait une partie de leur carrière outre-Manche.

Brustem, c'était la grande école ; rien à voir avec Gossoncourt. Le camp, qui avait été construit par la Luftwaffe dans un style motel au milieu des vergers, était d'un standing enviable. De plus, nous occupions des blocs conçus pour les pilotes. Ils avaient du parquet au sol et le chauffage central mais manquaient cruellement de femmes de chambre ! Les blocs étaient séparés d'un joli château par une pièce d'eau où évoluaient des canards de Barbarie.

La grande école prenait tout son sens par des cours au sol plus étoffés et surtout par l'avion qu'il fallait maîtriser. Hélice à pas variable, radio, train rentrant, volets de capot réglables, mise sous pression du système hydraulique, volets de courbure… Les régimes moteur dépendaient d'un nombre de tours réglable, d'une pression à l'entrée du carburateur. Il fallait avoir des yeux partout et le geste devait être précis.

Avec son imposant moteur en étoile de 600 chevaux et son gros fuselage, le Harvard était pataud, sous-motorisé. Il partait facilement en vrille. Le rêve de l' SV tournait parfois au cauchemar en Harvard, surtout les veilles de test. Notre examen final consistait à effectuer toute une série de figures d'accro devant un jury au sol dans une couche du ciel relativement étroite. Je me rappelle que lors d'un entraînement, voulant éviter de perdre trop d'altitude, j'ai tiré un peu trop sur le manche. La ligne de chemin de fer Saint-Trond-Landen qui me servait de point de repère n'était au départ qu'une petite ligne noire, puis, au fur et à mesure de mes accros ponctuées de tours de vrille, j'en ai aperçu les deux rails. Ensuite, j'ai commencé à voir les traverses et enfin, les pierres du ballast. A ce moment, je n'ai plus insisté et je suis revenu atterrir.

Il faut également souligner qu'à la puissance de décollage, le Harvard était particulièrement bruyant. Les Harvard anglais avaient en outre leurs particularités propres et demandaient un vol de lâchage. Bref, du Harvard il me reste des souvenirs d'un appareil ventru et essoufflé mais qui préparait fort bien à la récompense : le vol sur Spit IX.

La Force Aérienne ne possédant pas de Spit doubles commandes, nous terminions la période d'écolage sur Harvard par quelques vols en place arrière. La vision vers l'avant était fort semblable à celle que l'on avait du Spit. Nous effectuions également des approches en virage continu, appelées "Spit approaches", pour garder la piste en vue.

Le premier vol sur Spit était autant une révélation qu'une consécration. Le taxi derrière le long moteur Merlin demandait une série de zigzags pour savoir ce qui se trouvait devant nous. Par contre, le décollage donnait une impression de facilité, l'avion tenant parfaitement son cap.

L'effacement du train posait quelques problèmes. La main gauche devait lâcher la manette des gaz – qui, si elle n'était pas suffisamment freinée par une molette de serrage, revenait en position de ralenti – pour prendre le stick tandis que la main droite devait actionner la commande de remontée des roues. L'opération exécutée sans tenir compte de la procédure débouchait généralement sur la rentrée d'une des roues, l'autre restant à moitié sortie. Et cette maudite poignée calée en cours de route. Pour celui qui avait raté la manœuvre, il ne restait plus qu'à secouer le stick de la main gauche tout en forçant au maximum la manette du train de la main droite. N'ayant pas éprouvé ce désagrément, la prise en main de la nouvelle monture fut pour moi un émerveillement. Il restait l'atterrissage, rendu délicat par l'étroitesse du train, qui pouvait en cas d'atterrissage sur une roue induire une série de sautillements de gauche à droite et vice-versa. A 75 ans, force m'est de reconnaître que ce fut un des plus beaux moments, si pas le plus beau, de ma carrière de pilote.

Ce premier avion d'arme répondait à toutes les sollicitations des commandes. Il croisait au double de la vitesse du Harvard. Loopings, tonneaux lents et vrilles devenaient un jeu d'enfant. La navigation fut aussi une révélation. L'avion gardait son cap avec facilité et à la vitesse où il évoluait il y avait toujours des points de repère reconnaissables qui balisaient la route. Enfin, c'était un avion de guerre, armé de deux canons de 20 mm et de deux mitrailleuses. Et puis, il y avait ce moteur Rolls Royce Merlin de 1.800 chevaux avec ses pipes d'échappement très proches de l'habitacle qui pétaradaient lorsqu'on réduisait les gaz pour venir atterrir. Ce bruit si caractéristique était particulièrement excitant.

Après avoir effectué une vingtaine d'heures sur Spit IX, nous avons terminé notre formation à l'EPA par cinq heures de Spit XIV. Là, ce n'était plus la même chose. Le Spit XIV était équipé d'un moteur plus puissant qui entraînait une hélice à cinq pales qui créait un effet gyroscopique qui faisait que l'on n'était plus aussi maître de la machine. Déjà au décollage on ne mettait jamais les gaz directement à fond. Le flux de l'hélice agissait sur la queue de l'appareil tandis que l'effet de couple écrasait le pneu de droite. Tous ces effets cumulés faisaient dévier l'avion vers la droite. Une fois qu'il avait pris sa vitesse, on pouvait en être maître mais il fallait y aller vraiment progressivement. Au niveau de l'acrobatie, le premier looping se terminait immanquablement en Immelmann. En fait, c'était la machine qui, par l'effet de couple, tournait sur elle-même et faisait le demi-tonneau. C'était un peu déroutant. Il était aussi plus difficile de garder sa place en formation. Dès que l'on induisait un mouvement de tangage, il avait tendance à partir vers la gauche ou vers la droite."

Après avoir reçu ses ailes, avec la 120ème promotion, Antoine Gaye entame la dernière étape de son cursus de formation : l'Ecole de Chasse de Coxyde.

"A l'Ecole de Chasse, on a continué à voler sur Spit et, ce que je trouve bizarre pour une école qui forme des pilotes de chasse, on n'a jamais tiré!

L'OTU (Operational Training Unit) s'est terminé par le passage sur avion à réaction. Le Meteor F.4 était un développement du Meteor F.3 qui avait combattu les bombes volantes pendant la guerre mais avec des réacteurs un peu plus vigoureux. Bimoteur, la conversion exigeait un entraînement spécial pour maîtriser la machine en cas de perte d'un moteur. Ce fut l'occasion pour nos instructeurs de nous éprouver sur Meteor T.7 lors de remises des gaz en courte finale et à vitesse minimum. Avec un moteur réduit et l'autre à pleine puissance, l'effet de couple était neutralisé par la commande de direction pratiquement à pleine déflection. Et pour corser le tout, c'est le moteur qui entraînait la pompe hydraulique qui était réduit. La procédure a été limitée après plusieurs accidents. La vitesse d'approche a été revue à la hausse et la puissance du moteur à la baisse et le vol asymétrique n'est plus devenu un vol à risque.

La cabine du Meteor était pressurisée. Lors de ma première ascension à 30.000 pieds, j'ai été confronté à un phénomène nouveau : au fur et à mesure de la montée, la radio semblait s'évanouir, ainsi que le bruit des moteurs, pour réapparaître en force quatre mille pieds plus haut. En fait, la cabine changeant moins vite de pression, l'air emprisonné dans les trompes d'Eustache se libérait autrement que sur les avions non pressurisés. Alors que je n'avais jamais dépassé les 10.000 pieds en Spit, dans mes premiers vols en Meteor j'ai dû grimper à 30.000 pieds. A cette altitude, on ressentait l'impression étrange d'être coupé du monde.

Le jet m'a surpris quelques fois : plus de vibrations, plus d'effet de couple, plus de précession gyroscopique. Le loop était quasiment une navigation à la verticale, le tonneau, un véritable exercice musculaire. Un jour, alors que je m'approchais des 0.78 Mach (vitesse à ne pas dépasser), une détonation suivie d'un courant d'air : la verrière venait d'exploser ! Je ne voyais plus rien. La violence de la décompression avait produit un refroidissement adiabatique si important que l'humidité de l'habitacle s'était condensée en un brouillard qui m'empêchait de voir mon tableau de bord. L'événement, considéré comme "normal" avait eu pour effet de trouer la tôle du fuselage sur une quinzaine de centimètres, à ma hauteur. Un morceau de la verrière l'avait traversé. Quand on songe qu'à l'époque on ne portait pour seule protection qu'un casque en cuir..."

Antoine Gaye est désigné pour la 7ème escadrille de chasse de jour du 7ème Wing de Chièvres.

"Le 7ème Wing était équipé du Meteor F.8 qui extérieurement ressemblait assez au F.4. Par contre, il était doté d'un siège éjectable. Son habitacle et son équipement étaient modernisés. Au fur et à mesure que nous nous sommes familiarisés avec ce bolide, nous avons découvert ses qualités et notamment qu'il pouvait voler à 0.82 Mach en altitude et à 560 nœuds dans les basses couches et qu'avec de bons muscles, il pouvait avoir du nerf. Par contre, en vitesse de croisière à basse altitude il s'engageait dans un lacet gauche ou droite à la façon d'un serpent. Comme on le disait dans notre jargon, il "snakait", ce qui n'était pas idéal pour une plate-forme de tir.

Parlant de tir, c'est le long de la côte belge que nous avons effectué nos premières canonnades air-air. La mise au point des remorqueurs de cible fut laborieuse. Les câbles cassaient au décollage et en vol et quand on ramenait la cible, elle était désespérément vierge. A la fin de la campagne, la moyenne de l'escadrille était désespérément bloquée à 0,80 %, score qui était aussi le mien. C'était à n'y rien comprendre car les films des tirs semblaient corrects. Pour les autres camps de tir, le littoral belge fut abandonné pour de multiples raisons au profit de l'île de Sylt. Là, les résultats s'améliorèrent dès la première rafale. De 0,80 %, je suis passé à 14 % de coups au but. Je pense que c'était dû à l'harmonisation des canons prévue pour le tir d'obus de guerre et non d'entraînement, de type "low velocity".

Le Meteor avait été un pionnier de la chasse à réaction. Les progrès réalisés dans ce domaine, fouettés par la Guerre froide, avaient conduit à la sortie du Sabre supersonique dès 1948, presque en même temps que le Meteor F.4. En 1954, le Meteor F.8 était dépassé. Pour des raisons financières, la Belgique, qui était créditrice envers la Grande-Bretagne, dut faire appel à l'industrie aéronautique britannique. Le Hunter, son fleuron, venait de battre le record mondial de vitesse homologué et aurait été une aubaine pour la Force Aérienne s'il avait équipé les escadrilles dès 1954 et surtout s'il avait été au point.

Le Hunter représentait une nouvelle génération de chasseur. Il avait la souplesse et la nervosité du Spit. C'était un vrai plaisir à piloter. Son aérodynamisme, sa technique et son habitacle tranchaient avec le Meteor. Son moteur à compresseur axial, qui consommait nettement moins que son prédécesseur, avait à certains régimes de gros problèmes pour avaler l'air engrangé par les premiers étages du compresseur. Il fallait recracher le surplus par des évents appelés "bleed valves" qui sonnaient comme de puissantes trompettes.

Il était également doté d'une série de réservoirs qui se vidaient les uns dans les autres. Dès qu'ils étaient vides, des voyants que l'on appelait "doll's eyes" car ils ressemblaient à des yeux de poupée, apparaissaient en blanc sur fond noir. Au premier décollage, ce petit clin d'œil qui nous annonçait que les réservoirs de kérozène se vidaient faisait quand même un peu froid dans le dos. La procédure de montée voulait que l'on accélère à 480 nœuds jusqu'à ce que l'on atteigne 90 % du Mach. Dès le deuxième vol on passait la vitesse du son en piqué. Si le piqué n'était pas suffisant, on restait dans la zone du mur, avec pour conséquence qu'au lieu de deux bangs soniques on provoquait un coup de tonnerre qui n'en finissait pas. Dans l'habitacle, on ne remarquait rien, sauf un léger déplacement du manche vers l'avant au moment de passer le mur.

Ce "magnifique" cheval, c'était là sa plus grande qualité, a subi un coup d'arrêt quand on lui a adjoint un frein aérodynamique sous le fuselage. Première modification en escadrille, on lui appliqua des protubérances, véritables "nichons", destinées à recueillir les maillons des obus que le moteur avait la fâcheuse manie d'avaler. L'avion semblait prêt pour le tir mais il est apparu qu'au moment où les canons vomissaient leur mitraille, l'"haleine" de l'artillerie perturbait l'admission de l'air dans le réacteur et que les premiers étages du compresseur en perdaient le souffle. Le moteur étouffait et s'arrêtait. La solution se fit attendre. Elle consista à réduire automatiquement la puissance au moment du tir. Autant dire que si les premiers obus ne faisaient pas mouche, le "chassé" s'enfuyait…

Les carences respiratoires ne s'arrêtaient pas là : la voilure en flèche faisait qu'en virage serré l'extrémité des ailes tombait en perte de sustentation alors que la partie avant gardait sa portance. Le brave chasseur survirait et l'air qui entrait dans les prises d'air était suffisamment turbulent pour que le moteur s'étouffe au-dessus de 20.000 pieds. Il fallait réduire brutalement la puissance et s'engager dans un piqué maximum pour faire reprendre le moteur. On perdait parfois jusqu'à 8.000 pieds dans l'aventure.

Si les commandes assistées hydrauliquement étaient un rêve, en piqué supersonique l'avion renâclait et il fallait de la patience, pour autant que ce fût possible, pour récupérer le vol horizontal. Le Hunter avait la possibilité de voler sans l'assistance hydraulique à toutes les vitesses. J'ai eu la chance d'être détaché à Gosselies pour faire le vol de réception des avions sortant des chaînes de montage. Je travaillais avec Bernard Neefs qui mettait l'avion au point en tant que civil. Bernard faisait partie de ces pilotes exceptionnels. Il avait notamment expérimenté les vrilles sur divers types d'avion et dans plusieurs configurations. Il me fit la démonstration d'une vrille en Hunter à relativement basse altitude et me mit au courant des caractéristiques de ces vrilles. L'avion était aussi difficile à mettre en auto-rotation qu'à en sortir. Mon premier essai s'est soldé par un tour d'horizon avec les commandes croisées à fond. Mon cheval de selle anglais n'a nullement pris le mors aux dents et j'ai dû le sortir de sa perte de sustentation. L'engin s'était tellement secoué que j'ai remis à plus tard un nouvel essai. Lors du vol suivant, je l'ai brutalisé davantage. Il m'a alors fait une auto-rotation dans les règles de l'art. Sur le tableau de bord figurait un gros point blanc indiquant où diriger le manche pour sortir de la vrille. Bien qu'ayant appliqué à la lettre les consignes, je fis un tour de plus et, comme Bernard me l'avait recommandé, je mis le manche dans la direction du virage. L'appareil hésita puis continua à tourner, sollicité par les ailerons qui, ramenés au neutre, arrêtaient le mouvement. Restait à sortir du décrochage des ailes, ce qui demandait un peu de patience car le centre de portance s'était déplacé vers l'avant et la profondeur était peu efficace.

Le cheval de selle n'était pas un cheval de bât. Quand vint la crise de Suez et de Hongrie, on bourra nos soutes de munitions. Avant chaque décollage, une sécurité complexe était retirée. Elle était remise après l'atterrissage pour bloquer les commandes de tir. Ainsi chargé, le Hunter n'était plus qu'un âne. Il perdait 8.000 pieds de plafond. Seule consolation, le plafond de tout avion baisse quand il est lourd. Jusque-là, nous nous étions mesurés aux Mystère IV français qui volaient lestés. Il est cocasse de penser qu'ainsi chargés nous ne faisions plus le poids…Comme je l'ai signalé, les consignes de sécurité étaient applicables au sol, il n'y en avait aucune en vol. Heureusement il n'y a jamais eu d'incident. Cependant, au moment des événements de Suez, nous avons été à Sylt pour la campagne de tir annuelle. Un des avions dut rentrer en inspection à Chièvres. La base avait été avertie et prépara un avion de la 7ème qui était garé au hangar de l'escadrille. Comme les mécaniciens de l'escadrille avaient quitté les lieux, ce sont ceux de la maintenance qui se chargèrent de la manœuvre. L'avion fut remorqué à la maintenance qui se mit en devoir d'harmoniser et de vérifier le bon fonctionnement des canons. Un mécano vérifia les percuteurs des canons et pressa la détente. Or, l'avion était armé et un obus partit. Il toucha un stand sur lequel se trouvait un avion en partie démonté. L'obus explosa et transperça l'aile de cet avion et ses éclats se fichèrent dans le plafond du hangar ! Pour savoir si des munitions étaient à bord, il fallait dévisser les canons et descendre le "gun pack" pour voir ce qu'il contenait. Il n'y avait aucun indicateur dans l'habitacle pour le signaler. Le seul blessé fut un mécanicien qui chuta lors de sa retraite…"

La souplesse de pilotage du Hunter en fait également un bon avion d'acrobatie.

"Les pilotes de Chièvres avaient déjà constitué un peloton acrobatique sur Meteor. Le Major Bladt, à son arrivée, en a profité pour le faire voler sur Hunter. A l'époque, nous étions en concurrence avec les Black Arrows et la Patrouille de France. La patrouille britannique se caractérisait par les évolutions harmonieuses d'une formation très stable, les Français excellaient dans les changements de formation pendant les phases acrobatiques. Dans le peloton, "Pete" Tonet et moi volions symétriquement, lui à droite, moi à gauche. Il nous est arrivé de penser à des types de formations nouvelles que nous soumettions au leader qui était merveilleusement coopératif. Grâce à l'esprit du Major Bladt, au merveilleux outil qu'était le Hunter et à la sollicitude du commandant de la base, la 7ème escadrille prépara et effectua un looping avec 16 appareils en formation au meeting de Gosselies. A l'époque, nous étions les deuxièmes à réaliser cette figure après les Anglais.

Le Hunter reste un avion inoubliable qui se situe au sommet de ma carrière aéronautique."

En 1958, Antoine Gaye fait ses adieux à la chasse et fait mutation à la 20ème escadrille du 15ème Wing, équipée de C-119.

"Je n'ai pas de point de comparaison avec des avions homologues du C-119. Il était conçu pour diminuer au maximum la durée des escales tout en permettant de bonnes conditions de parachutage. Il a par la suite contribué à la mise au point des largages "free drop", sans parachute.

Son habitacle était très spacieux. Cinq membres d'équipage y tenaient leur poste : deux pilotes, un navigateur, un radio et un mécanicien. Il était équipé de toutes les aides à la navigation de son époque. Il était doté d'une centrale de chauffe pour le confort et le dégivrage et d'un APU (Auxiliary Power Unit) qui pouvait fournir l'électricité au sol et permettait de démarrer les moteurs et d'être autonome à l'escale. Cinq pour un seul avion, cela faisait beaucoup de monde. Après la chasse, on avait l'impression de ne pas servir à grand chose, d'autant plus que le pilote automatique, sans être parfait, était le pilote le plus sollicité. En plus d'être bruyante, la drôle de machine avec sa grosse carlingue et ses deux fuseaux qui supportaient le plan de profondeur semblait fragile quand les moteurs l'agitaient au sol. La carcasse se tordait. On aurait dit que ses composantes n'étaient pas bien fixées les unes aux autres.

Les moteurs en double étoile de 18 cylindres, d'une puissance de 3.500 chevaux, étaient assez fragiles. Le vol en montagne sur un seul moteur était plus que délicat. Il n'en reste pas moins que j'ai eu la chance de participer à un vol mémorable. J'étais ce jour-là ailier d'une formation commandée par le Major Laforce. Nous venions d'effectuer un largage de paras au-dessus de Schaffen et le leader nous rassembla en formation serrée, au grand dam de l'équipage qui estimait l'exercice périlleux pour les moteurs, les changements de puissance faisant subir des contraintes mécaniques à l'ensemble propulseur. J'ai réglé les moteurs à Schaffen et nous sommes revenus à Melsbroek toujours en bonne position sans avoir touché à la manette des gaz. C'était bien évidemment plus un coup de chance qu'un exploit mais les témoins de la chose se firent un devoir de le répéter et ma vie en escadrille de transport en fut transformée fort agréablement."


Interview : Vincent Pécriaux (03 octobre 2004)
Note: Reproduction interdite sans l'accord préalable écrit de leurs auteurs respectifs


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