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Carnets de vol: Y. P. - Fifties Memories

Fifties Memories


Carnets de vol: Y. P. -
Fifties Memories

C’est par le biais du Flight universitaire qu’Y.P. entre à la Force Aérienne en 1950. Informé par l’ANCUPA (Association Nationale des Cercles Universitaires de Promotion Aéronautique) des possibilités offertes à certains étudiants universitaires de suivre une formation de pilote de chasse, il participe aux épreuves de sélection et se retrouve à l’EPE de Gossoncourt.

"L’aviation était depuis longtemps une passion pour moi mais, étudiant à l’université, je n’étais pas prêt à entrer à la SABENA ou à m’engager à la Force Aérienne comme pilote. Alors, imaginez, quand on nous a appris qu’on pouvait cumuler les études et le pilotage, pour nous c’était du délire. Il y avait bien entendu des conditions, il fallait être universitaire, être en bonne condition physique et surtout s’engager à rester à la Force Aérienne pendant un certain temps après les études, moyennant quoi nous pouvions voler pendant nos deux dernières années d’étude.

Après avoir réussi les examens d’admission, nous avons été intégrés à la deuxième promotion du Flight universitaire. Pendant deux ans, en 1950 et 1951, j’ai donc piloté à Gossoncourt durant les vacances scolaires. Nous volions sur Tiger Moth, un biplan assez sympathique mais qui, contrairement au SV4, avait la particularité de ne pas être alimenté en vol inversé, si bien que quand nous faisions de l’acrobatie nous devions enchaîner les figures pour ne pas rester trop longtemps sur le dos. Ces périodes de vol pendant les vacances d’été nous ont permis d’être rapidement lâchés solo. Le paradoxe, c’est que nous avions toujours un statut purement civil et nous n’étions pas soumis à la discipline militaire. Pour les militaires c’était insensé. Ce statut nous permettait d’entrer et de sortir à notre guise, nous étions comme des coqs en pâte. C’était la grande vie. Pourtant les relations avec les moniteurs étaient vraiment excellentes car les membres du Flight universitaire étaient plus que motivés. Nous voulions absolument décrocher nos ailes."

Diplôme d’université en poche et avec une cinquantaine d’heures de vol à son actif, Y.P. débute son service militaire à la Force Aérienne comme pilote COR (candidat officier de réserve).

"Contrairement aux autres qui suivaient six à huit mois d’instruction militaire pour apprendre le drill et toutes sortes d’autres choses, notre séjour au centre d’instruction s’est limité à huit jours. Nous sommes ensuite passés à l’Ecole de Pilotage Avancé de Brustem où nous avons commencé immédiatement à voler sur Harvard.

Le Harvard était une belle machine pour un pilote qui venait du Tiger Moth : même s’il était assez lourd, il était plus puissant, volait sur le dos, permettait de faire de l’acro, des attaques et des ressources…Il faut savoir qu’à cette époque, les responsables opérationnels avaient fait la guerre ou avaient été entraînés par des types qui avaient fait la guerre. Il y avait là un esprit particulier et nous avons pu faire des vols tout à fait mémorables que l’on imagine plus faire aujourd’hui.

A la fin de notre formation sur Harvard, nous avons reçu nos ailes avant de passer, toujours à l’EPA, sur Spitfire IX. Nous devions être lâchés sur Spit IX pour être familiarisés avec cet appareil avant de pouvoir partir pour l’Ecole de Chasse de Coxyde où commençait véritablement la formation de pilote de chasse. Arrivés à Coxyde, nous avons encore fait quelques heures sur Spit IX mais très rapidement nous sommes passés sur Spitfire XIV. C’est là que nous avons démarré notre apprentissage de chasseur en faisant principalement des dogfights, du tail chase, du tir, de la navigation à haute et à basse altitude.

Pour l’époque, le Spitfire était vraiment un appareil mythique. C’était l’avion qui avait gagné la Bataille d'Angleterre. Ensuite, avec son moteur Griffon, le Spit XIV était une machine d’une puissance colossale. Au point que quand on démarrait par erreur plein gaz, l’effet de torque était tel que l’aile touchait le sol. Il fallait compenser largement au stick et au palonnier. C’était une bête fabuleuse. De plus, comme le cockpit était très petit, on faisait vraiment corps avec l’avion. Ce fut pour moi ma plus belle expérience de vol. J n’ai plus jamais ressenti une telle sensation.

Durant cette période, il y eut beaucoup d’accidents mais je pense que, pour la plupart d’entre eux, le matériel n’était pas en cause. Il s’agissait souvent d’erreurs humaines. Il y a eu une importante campagne de presse et on a même parlé de sabotage mais rien n’a jamais pu être prouvé. Il faut quand même se rendre compte que voler sur Spit n’était pas de tout repos. En tous les cas, si ces avions n’étaient pas tout neufs nous avions d’excellentes équipes de mécanos qui faisaient le maximum."

Après sept mois passés à apprendre le métier de chasseur à l’Ecole de Chasse vient enfin l’affectation en escadrille opérationnelle.

"Il y avait à l’époque au 1er Wing de Chasse de Beauvechain trois escadrilles : deux formées en Angleterre – la Three Four Nine et la Three Fifty – et la 4ème. J’ai eu de la chance, je me suis retrouvé à la 349. C’est dans ces escadrilles que les pilotes du Flight universitaire terminaient leur service militaire. Au départ, j’avais signé pour 24 mois mais je me plaisais tellement que j’ai rempilé pour une année supplémentaire.

La 349 volait déjà sur Meteor. Pour faire la transition, j’ai effectué durant mon dernier mois à Coxyde mes premiers vols en Meteor 7 double commande de manière à pouvoir passer directement sur Meteor 4 à mon arrivée à Beauvechain. Il volait bien sûr plus vite mais n’avait pas l’agilité du Spit. Cependant, il pouvait grimper jusqu’à plus de 30.000 pieds. On nous envoyait d’ailleurs régulièrement intercepter des avions qui volaient à 30.000 ou 35.000 pieds. Le Meteor était vraiment fait pour ça. Le Meteor 4 ne m’a pas laissé un souvenir impérissable. C’était un avion lourd mais c’était aussi le premier avion à réaction. C’était autre chose que le Spit. J’ai de loin préféré le Meteor 8, plus agile et plus performant que le 4.

Ce qui était extraordinaire c’était la vie en escadrille. C’était vraiment exceptionnel. Si je dois retenir quelque chose de cette période, c’est cet esprit d’équipe. Il y avait une grande fraternité entre pilotes mais aussi avec les mécanos.

Notre métier, notre leitmotiv, c’était l’interception. On recherchait le contact, on allait rôder autour des bases. Il y avait une certaine rivalité entre la Tactical Air Force – les chasseurs bombardiers – et les unités de chasse pure. En plus, la majorité des pilotes de Florennes étaient formés aux Etats-Unis. Cela renforçait encore cette rivalité pour nous qui avions été formés à « l’école anglaise ».

Je me rappelle qu’un jour je rôdais dans les environs de Florennes quand un Thunderjet m’est passé devant. J’ai mis les gaz à fond et, tout d’un coup, j’ai eu un flame out de mes deux moteurs. Plus moyen de les rallumer. Par chance, j’évoluais très haut, à environ 25.000 pieds, et je n’ai pas prétendu atterrir en catastrophe à Florennes. Je suis donc revenu en vol plané à Beauvechain. Je me suis posé vraiment « sur les chaussettes » !

On cherchait la bagarre tout le temps. L’escadrille, c’était ça : la navigation, le tail chase, le dogfight. C’était ça l’esprit de la chasse.

Nous faisions beaucoup de vols aux instruments pour obtenir notre « green card » qui indiquait que nous étions aptes à voler tout temps. On volait parfois la nuit mais uniquement pour des vols de navigation. Ce qui était assez extraordinaire c’est que, en altitude, on pouvait imaginer la carte de Belgique grâce aux autoroutes éclairées. Le spectacle était étonnant.

Ce qui était passionnant, c’étaient les manœuvres. On allait, par exemple, attaquer des aérodromes à l'étranger. Un jour, à la suite d'une de ces attaques nous sommes tombés en panne d’essence. Heureusement, dans une trouée de nuages, nous avons aperçu une piste. On a sorti les dive breaks et on est descendu à la verticale. C’est ainsi que nous avons atterri à Trèves, qui était un aérodrome de l’équipe ennemie. Imaginez notre déception……Ce furent des souvenirs inoubliables."

A la fin de son contrat, Y.P. quitte la 349ème escadrille mais pas Beauvechain puisqu’il rejoint les rangs de l’Escadrille Auxiliaire.

"Nous volions le samedi et le dimanche. Nous venions à la base avec nos familles. La base était ouverte rien que pour nous. Pendant que nous faisions nos vols, nos épouses étaient au club des officiers avec les enfants. Tous ceux de cette époque se rappellent cette phrase : « Papa pique et maman coud. » C’est pratiquement devenu un slogan. Nous formions un grand club.

La particularité de l’escadrille auxiliaire c’était que c’était un « mélange pour canari ». Il y avait les anciens qui avaient fait la guerre, les jeunes du Flight universitaire. Le dénominateur commun de tous ces pilotes, c’était le désir de continuer à voler.

Lorsque j’y étais, l’escadrille était commandée par Jean Lavigne, qui était chirurgien dans le civil, et qui est parvenu à maintenir un esprit d’équipe aussi important que dans une escadrille opérationnelle. Pour maintenir le niveau, les pilotes effectuaient également des rappels dans les unités d’active où on leur apprenait de nouvelles tactiques ou techniques. Les connaissances techniques devenaient de plus en plus importantes. C’est l’une des raisons qui, selon moi, ont conduit à la dissolution de l’escadrille, l’autre étant le coût que nécessitait son maintien."

En 1957, Y.P. fera définitivement ses adieux à la Force Aérienne avec ce sentiment profond d’avoir vécu l’âge d’or de l’aviation d’après-guerre.


Interview: V. Pécriaux
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