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Carnets de vol: Edgard Auspert

Carnets de vol: Edgard Auspert


Carnets de vol: Edgard Auspert

Edgard Auspert a toujours eu envie de devenir pilote. C'est pourtant par une autre porte que celle de l'EPE qu'il a fait son entrée à la Force Aérienne.

"Mon père était un ancien commandant de gendarmerie et il pensait qu'avant de devenir pilote, il valait mieux que j'entre à la Force Aérienne et que je fasse une autre formation qui, croyait-il, me faciliterait l'accès à la formation d'élève-pilote. Je suis donc passé par l'Ecole technique de Saffraanberg, où j'ai commencé par suivre des cours de radio-radar. Mais ça n'a pas duré car ce n'était pas mon objectif et entre-temps, j'ai passé le concours d'admission comme élève-pilote. C'était en 1952.

A cette époque, il était encore possible de faire sa formation en Belgique ou aux Etats-Unis. Je n'avais jamais fait d'anglais mais j'aurais bien voulu aller aux Etats-Unis. Nous étions à ce moment-là à Gossoncourt et ceux qui étaient candidats au départ pour les Etats-Unis allaient à Coxyde, au DEPE (1) pour y suivre des cours d'anglais. Il y avait un "grading" d'une vingtaine d'heures de vol afin de s'assurer que les élèves envoyés aux Etats-Unis auraient une chance de réussir leur formation. Les vols s'effectuaient à partir de l'aérodrome de Raversijde et ceux qui échouaient étaient éliminés de la filière belge également. Les cours d'anglais duraient entre six et huit semaines et, sans connaissances préalables, il était très difficile d'acquérir un bagage suffisant qui permettrait de suivre là-bas la formation, donnée entièrement en anglais. En ce qui me concerne, cela représentait donc un risque supplémentaire. On m'a dit que mon anglais n'était pas suffisant et je suis donc revenu à Gossoncourt où j'ai rejoint la 127e promotion.

J'ai fait une soixantaine d'heures sur SV 4 à Gossoncourt. J'avais un moniteur qui s'appelait "Pépé" Delers, que j'ai toujours bien aimé d'ailleurs. S'il était très sympathique, il était aussi très exigeant. Tous ces pilotes qui avaient fait la guerre se croyaient encore au combat et la formation qu'ils donnaient était un peu du même genre. Ça passait ou ça cassait. Et mon premier vol avec "Pépé" fut déjà, pour moi, une sorte de test. Je n'ai jamais vu que le ciel et la terre à la verticale. Il fallait s'accrocher car tout y passait et on regardait évidemment comment vous réagissiez à la sortie de l'avion. J'étais tombé sur un moniteur qui aimait bien s'amuser en l'air mais c'était une formation qui me plaisait.

La promotion comptait au départ 250 élèves mais tous les deux ou trois jours il y en avait qui étaient rayés. En cas de problèmes, il y avait une commission devant laquelle les élèves devaient s'expliquer mais ça ne discutait finalement pas beaucoup. Si vous respectiez les critères, c'était bon, sinon, désolé… point final.

Il y avait deux types de SV 4 à Gossoncourt : ceux équipés d'un moteur Cyrrus et ceux qui avaient un moteur Gipsy Major et que nous préférions car il était un peu plus puissant. Le SV était une bonne machine mais il était un peu poussif. Il était également un peu délicat à l'atterrissage. Il fallait le poser correctement en trois points, ce qui n'était pas évident. Une fois qu'on avait la technique, plus de problème, il ne bougeait plus. Sinon, c'était queue-roues, queue-roues, et il fallait repartir pour ne pas finir sur le nez. Ça faisait partie des difficultés du début de la formation. Le poser sur deux roues n'était pratiqué que par les moniteurs ou les pilotes confirmés. Les élèves se posaient toujours en trois points. C'était un critère essentiel lors du test. Si on n'y arrivait pas, on n'était pas lâché. Comme il était en bois, c'était un avion très souple qui absorbait les chocs, ce qui limitait la casse évidemment. C'est une machine qu'il fallait connaître mais qui permettait beaucoup de choses.

EPA à Kamina

"Après Gossoncourt, nous sommes partis sur Harvard à Kamina. Nos n'étions plus qu'à 125. Nous étions la deuxième promotion envoyée là-bas. La formation durait neuf mois et comprenait environ 120 heures de vol. C'est à Kamina que j'ai eu véritablement un problème et où j'ai cru que j'allais me faire ramasser. Je n'en avais jamais eu jusqu'alors et je n'en ai plus eu après mais là, pendant une semaine, j'ai vraiment paniqué.

En fait, quand nous sommes arrivés à Kamina, la 126e promotion était déjà sur place. Nous avons été baptisés comme il se doit, assez durement d'ailleurs mais c'était dans la tradition. Pendant le baptême, il y a un gars de la 126e qui s'est vanté d'avoir été lâché sur Harvard après 3 heures 50, alors que la moyenne était de 7 à 8 heures. Entendant cela, je ne sais pas ce qui m'a pris mais je lui ai dit que je serais lâché avant lui, ce qui m'a d'ailleurs valu encore un peu plus de problèmes pendant le baptême. Et effectivement, j'ai commencé à voler et j'ai été lâché après 3 heures 40. Après le premier solo, nous étions plongés dans une touque remplie d'eau. J'ai donc été le premier à y voir inscrit mon nom.

J'ai donc fait mon premier solo, un simple circuit autour de la base. C'est après que ça n'a plus été. Il a fallu que j'atteigne un total de 7 ou 8 heures avant d'être lâché une seconde fois. Le moniteur n'était pas content évidemment. Je ne trouvais pas ce qui n'allait pas à l'atterrissage, et lui non plus. Je ne parvenais plus à apprécier correctement l'altitude et donc je n'agissais pas comme il le fallait quand il le fallait. Heureusement, à un certain moment, ça a été fini, le déclic s'est produit. Mais j'ai bien cru qu'ils allaient avoir ma peau.

Il y avait plusieurs types de Harvard. Les avions étaient attribués par les moniteurs et quand on avait hérité d'un modèle américain, il fallait s'accrocher et se débrouiller pour suivre. L'avion était lourd parce qu'il était équipé au niveau de la radio alors que le "Bulawayo" avait le strict minimum au point de vue équipements de vol et était donc plus léger. Pour la navigation, on prenait plutôt des avions américains car on apprenait aussi la radionavigation. On avait un ADF qui permettait de prendre un alignement sur une émission, en l'occurrence Kamina car à 600 ou 700 kilomètres à la ronde, il n'y avait rien. Pour les autres missions, on utilisait n'importe quel avion.

En vol de nuit, nous ne nous éloignions pas de la base. Il n'y avait aucune zone illuminée à part la ville de Kamina, à quinze kilomètres, et puis on se servait toujours de Baka pour les aides à la navigation. Bref, on tournait toujours autour du terrain. On faisait des circuits et des circuits, à un tel point que les kakis s'énervaient. En principe, le circuit se faisait par le sud et le camp était au nord. Mais quand après l'approche on repartait, on devait se décaler vers le nord pour refaire tout le pattern et on passait au-dessus du camp. A chaque tour, on devait tester le pitch de l'hélice et voir s'il fonctionnait parce qu'il fallait passer en petit pas pour atterrir. Et quand on refaisait le changement de pas, ça faisait un bruit terrible. Et évidemment on profitait de passer au-dessus du camp des kakis pour le faire. De temps en temps, ils rouspétaient mais comme le chef de corps général était un pilote, ils pouvaient toujours pleurer, rien n'y faisait.

Donc, en vol de nuit nous restions aux alentours de la base. De toute façon, qu'on soit à 5 ou 10 kilomètres, ça ne changeait rien. De plus, dans le circuit on n'était pas seul. Pas question donc de faire des fantaisies. Nous nous suivions les uns les autres, en regardant les feux de position de celui qui nous précédait.

A la fin de notre séjour à Kamina, la moitié d'entre nous avaient été rayés. Même si on progressait dans la formation, on n'était jamais sûr de rien. Le principe était toujours le même : il y avait des règles pour chaque technique à maîtriser. Par exemple : solo SV : 12 heures. Si vous dépassiez cette limite, on commençait à se poser des questions à votre sujet. Vous aviez une ou deux chances et puis c'était la commission. Il fallait donc, dans le délai imparti, maîtriser la technique imposée. C'était une façon de voir votre capacité à vous adapter à la situation."

L'entraînement se poursuit ensuite à Coxyde, par un passage à l'OCU d'abord, à l'issue duquel les élèves reçoivent leurs ailes, puis à l'OTU, pour l'obtention du brevet supérieur.

"Après Kamina, nous avons été postés à Coxyde, à l'OCU, sur Meteor. Il y avait des Meteor 4, 8 et 7. Le 4 avait des moteurs moins puissants. En fait, il avait de petites entrées d'air. Les 4 et les 7 n'avaient pas de siège éjectable. En cas de problème, il fallait passer sur le dos, pousser dans le stick, ouvrir le cockpit et se laisser tomber. Il ne fallait pas faire ça à 500 pieds. Il y avait une altitude en dessous de laquelle ça ne servait à rien de sauter. Il ne fallait pas non plus aller trop vite pour ne pas accrocher l'empennage. En 7, c'était la même chose, sauf que la verrière basculait latéralement. On pouvait la larguer mais elle risquait de pivoter légèrement, ce qui pouvait être dangereux pour celui qui se trouvait en place arrière. Heureusement, pour être obligé de sauter du Meteor, il en fallait beaucoup.

Sur Meteor 4, nous n'avions pas de combinaison anti-g mais il y avait deux systèmes d'appui sur le palonnier. Un normal, avec les talons au plancher et un autre, pour le dogfight, avec les pieds plus hauts. Cela permettait de remonter les genoux et de freiner la descente du sang dans les membres inférieurs. Sur Hunter, nous avons reçu des combinaisons anti-g.

Le Meteor 8 représentait déjà un progrès. Il avait un siège éjectable Martin Baker qui, à son époque, était le meilleur siège existant. On pouvait s'en servir à très basse altitude sans problème. Le seul ennui, c'est qu'il était mis à feu par des cartouches et ça causait un choc à la colonne.

Le Meteor m'a bien plu mais il était un peu poussif. C'était un avion de chasse mais quand nous rencontrions en vol des Sabre, nous nous faisions avoir à tous les coups. Nous nous battions souvent avec les Canadiens de Marville. Pour s'en sortir, il fallait vraiment avoir affaire à un manche et être bon soi-même. Sinon, ils se collaient derrière vous et il n'était plus possible de les décramponner. Ils viraient plus court, avaient plus de puissance. Et puis, le Sabre était plus rapide. Il n'était pas supersonique mais atteignait 0.93 Mach alors que nous étions limités à 0.82 Mach. Le Meteor mettait 20 minutes pour arriver à 30 000 pieds. Je me rappelle qu'un jour on a couru après un B-52 pendant une bonne demi-heure sans jamais parvenir à le rejoindre. On nous avait annoncé son passage et, comme nous n'en avions jamais vu, nous avions décidé d'aller l'intercepter. On a décollé à quatre, on l'a aperçu et on a commencé à monter par paliers. A un moment donné, mon hood s'est ouvert de plusieurs centimètres. La cabine s'est dépressurisée. Il faisait – 30° C. J'étais numéro 4 de la section, commandée par Blume, et je me maintenais à vue. La section commençait tout doucement à s'effilocher car les autres perdaient également du terrain sur Blume qui volait sans doute avec un Meteor 8 doté de grandes entrées d'air qui lui donnaient un peu plus de puissance. Nous n'arrivions toujours pas à nous rapprocher et je lui ai signalé que ma verrière s'était ouverte de plusieurs centimètres. Mais il m'a répondu de suivre. Et il m'a traîné ainsi pendant certainement encore un quart d'heure. Il y avait du givre partout dans le cockpit. Régulièrement, j'enlevais mon masque et je regardais dans le rétroviseur pour voir si mes lèvres ne bleuissaient pas. Puis j'enlevais mes gants pour voir si mes ongles non plus ne bleuissaient pas. Finalement, nous sommes redescendus et je me suis posé en formation car mon pare-brise était givré et je ne pouvais voir que sur le côté. Et je me souviendrai toujours de Blume au débriefing qui m'a regardé avec un grand sourire en me disant : "alors, Edgard, je t'ai bien eu, non ?". C'était typique de l'état d'esprit qui régnait dans les escadrilles à l'époque. Quant au B-52, finalement, tout ce qu'on a pu faire c'est aligner le viseur d'un de nos appareils sur un de ses moteurs. L'avion était énorme. On avait un système de visée que l'on pouvait régler en fonction de l'envergure de la cible. Si on était face à des avions classiques, on faisait le réglage, on encadrait l'avion et on voyait quand on était à bonne distance pour tirer. Ici, l'avion était tellement grand qu'on a réglé la visée sur un moteur et pour y arriver, il a fallu que nous levions le nez car le B-52 était au-dessus de nous alors que nous étions à notre altitude maximum.

Nous faisions régulièrement des périodes de tir sur l'île de Sylt. La base était gérée par les Anglais et quand nous arrivions sur place, nous devions effectuer trois vols en Vampire ou Venom avec un pilote anglais pour – soi disant – reconnaître le champ de tir. Et c'était comme ça à chaque période de tir, tout le monde devait y passer.

On tirait la "clache" 200 à 300 pieds derrière l'avion et le décollage était toujours risqué car il fallait le plus rapidement possible tirer la cible et lui faire quitter le sol. Le décollage et la montée se faisaient à la vitesse minimum. Arrivé à 200 pieds, on faisait un palier et on prenait un peu de vitesse, sans dépasser les 200 nœuds pour que la "clache" ne se détache pas, et on rejoignait le champ de tir. Les passes de tir se faisaient, je crois, à une altitude de 10 000 pieds, au-dessus de la mer. La "clache" était stabilisée par un énorme poids et il arrivait qu'en tirant on démolisse ce poids. Ce n'était pas très fréquent mais ça arrivait. Et c'est d'ailleurs ainsi qu'un pilote a été tué après avoir être entré en collision avec ce poids qui s'était détaché. Il s'est écrasé en mer et on ne l'a pas retrouvé. C'est pour cette raison qu'après la passe de tir, on passait au-dessus de la cible, pour éviter de couper le câble ou de toucher le poids.

L'avion qui tractait la cible évoluait toujours en vol rectiligne. Quand il devait faire un 180 degrés, les tirs étaient interrompus car, comme les tirs se faisaient toujours vers la mer, les avions devaient se repositionner. C'est le pilote qui tirait la cible qui commandait la manœuvre et s'il estimait qu'une approche pouvait être dangereuse, il pouvait demander l'arrêt de la passe de tir. La cible n'était pas très grande et il fallait se concentrer pour l'aligner. Il fallait éviter de se retrouver trop en line astern pour ne pas toucher l'avion. Il arrivait aussi que le câble de la cible soit sectionné et qu'elle tombe en mer. Dans ce cas, la mission était perdue car, entraînée par le poids, elle coulait à pic et il était inutile d'essayer de la récupérer. On visait devant et on commençait à tirer en espérant que les obus traversent la cible. Mais, comme elle était lestée par le poids, elle n'était pas horizontale et donc les obus ne la traversaient pas nécessairement sur toute sa longueur.

Bref, celui qui faisait un score de 20-25 obus, pouvait dire qu'il avait fait un bon tir. S'il récidivait, il était considéré comme un bon tireur. Mais ça ne tenait pas à grand chose. Il fallait que l'avion soit bien équilibré. Si vous n'aviez pas votre bille au centre, vous glissiez ou vous dérapiez et vous n'étiez donc plus dans la ligne de tir. En plus, il fallait avoir la bonne vitesse et bien placer son gunsight sur la cible. On réglait le réticule du viseur pour l'encadrer. Quand il était allumé, une croix apparaissait, ainsi qu'un point, mobile. Quand vous voliez en ligne droite, le point et la croix étaient l'un sur l'autre. Mais dès que vous appliquiez des G, le point fichait le camp dans la direction opposée au sens du virage. Il fallait que la cible soit sur la ligne qui passe par la croix et le point. Pour augmenter nos chances, nous trimmions l'avion à la vitesse d'attaque. Tous ces facteurs entraient en ligne de compte dans la réussite du tir.

A la fin de la mission, on revenait à la base et l'avion "clacheur" descendait à 200-300 pieds pour droper la cible sur une zone prévue. Les mécanos la récupéraient et après l'atterrissage, nous commencions à compter les trous. Et là, nous n'étions jamais d'accord. Les obus étaient colorés mais parfois ils ne marquaient pas assez la cible.

A la 350e escadrille, où je suis resté pendant quatre ans, j'ai aussi volé une centaine d'heures sur Hunter. Il y a tout d'abord eu les Hunter 4, qui ont été remplacés rapidement par des Hunter 6, plus puissants. Premier changement radical par rapport au Meteor : il n'y avait pas de version biplace. Je me rappelle qu'avant le premier vol, on faisait un blind cockpit check avec un bandeau sur les yeux. Tant que le cockpit drill n'était pas parfait, il fallait le recommencer. Le problème ne se posait pas en vol, mais plutôt au décollage et à l'atterrissage. Si vous deviez faire quelque chose alors que vous étiez pris par votre décollage, vous deviez évidemment savoir exactement où placer les mains.

Par rapport au Meteor, qui prenait lentement sa vitesse, le Hunter poussait effectivement plus et grimpait plus vite. Malgré ses défauts, ça commençait à devenir un chasseur. Il était performant en version clean. Après, on lui a mis des bidons et ça n'allait plus. Il n'avait pas été conçu pour ça. Il faut dire que les Anglais avaient toujours fait des avions qui n'avaient pas beaucoup de range – par rapport aux avions américains – mais qui montaient très vite. C'étaient des chasseurs purs conçus pour intercepter rapidement l'ennemi et redescendre. Le 6 avait encore plus de punch mais, à cause de la configuration de ses entrées d'air, il connaissait des problèmes de flame out lorsque l'incidence était trop forte. On n'y pensait pas mais on savait que ça arrivait. Il fallait pouvoir rallumer. On maîtrisait la technique et ça ne posait pas de problème mais il fallait faire attention aux températures quand ça arrivait. Vous étiez en combat aérien et, tout d'un coup, fini, plus de moteur. Il fallait penser à réduire les gaz d'abord car la température montait très vite et il ne fallait pas griller le moteur. Ensuite, il fallait rallumer. Sinon, c'était un avion agréable. Et avec les Canadiens, on a commencé à pouvoir lutter un peu plus, même si le Sabre restait une machine très performante."

Alors qu'il est toujours en escadrille, Edgard Auspert est sélectionné pour devenir moniteur.

"Nous avons reçu la visite du Major Blume, qui était devenu recruteur des candidats moniteurs pour l'Air Force. Il passait régulièrement dans les escadrilles et demandait les CNA (2) où étaient inscrites toutes vos "prouesses" comme moniteur ou pilote en escadrille. C'était vraiment la "photographie" de vos aptitudes professionnelles. Il les lisait, se faisait une opinion et envoyait les convocations à ceux qu'il avait choisis.

Et c'est ainsi que je me suis fait embarquer comme élève-moniteur. Je râlais de quitter l'escadrille mais je n'avais pas le choix. Le FFM (3) comptait deux ou trois instructeurs. Je me souviens très bien du premier discours du Major Blume qui nous a dit : "Messieurs, vous avez été en escadrille, où vous vous êtes bien amusés. Maintenant on va vous apprendre à voler !" Et c'était vraiment ça. La formation durait un an et on est passé partout. D'abord sur SV, puis sur Harvard et enfin sur jet. On croyait savoir piloter mais on a vraiment appris ce que c'était que voler. Quand je suis arrivé, j'avais 1 300 – 1 400 heures de vol mais quand Blume ou un membre de son équipe prenait les commandes, vous vous rendiez compte qu'il y avait encore du chemin à parcourir. Mais c'était bien. J'ai donc refait du SV, puis je suis retourné 6 à 7 mois à Kamina, car le FFM se déplaçait là-bas également, pour faire environ 70 heures d'Harvard.

A la fin de la formation, je me suis retrouvé moniteur sur T-33 à l'Ecole de Chasse, stationnée à Brustem. C'était un avion différent des avions anglais que j'avais pilotés jusqu'à présent. Il n'était pas très puissant mais quand on le connaissait bien, il était très agréable. Il était assez stable et bien équipé pour la navigation. C'est le premier avion sur lequel j'ai volé qui avait une bonne autonomie.

En vol avec les élèves, il fallait toujours être vigilant. Je me rappelle d'un vol où nous étions à quatre appareils en line astern. J'étais dans le deuxième avion et je parlais à mon élève quand tout à coup, l'élève de l'appareil devant a fait une fausse manœuvre et a sorti son aérofrein. Son moniteur ne pouvait rien faire. Il y avait bien un bouton sur chaque throttle mais ils n'étaient pas interconnectés. Il ne pouvait donc empêcher l'élève de l'actionner. Je ne sais pas comment j'ai fait pour éviter la collision mais j'ai eu un réflexe et je me suis retrouvé à côté de lui. Et heureusement les autres ont suivi. Ce sont des péripéties auxquelles, comme moniteur, vous devez être préparé. Elles sont inévitables. Le tout c'est d'être relax tout en étant attentif. Autre exemple : le vol en formation. Au début, les moniteurs sont avec les élèves, puis vous partez seul avec trois élèves en solo. Vous les espacez et puis vous les rappelez par signe ou par radio. Et vous en voyez un s'amener et vous le surveillez, tout en sachant qu'il y en a un autre de l'autre côté qui s'amène aussi. Il faut juger s'il va se rapprocher et s'arrêter à temps ou pas. Il m'est arrivé de tirer sur le manche et de voir l'autre avion passer en dessous de moi.

Après le T-33, j'ai été posté à Florennes. Comme je venais de la chasse, j'étais évidemment un peu déçu. J'ai fait ma conversion sur F-84F à la 2e escadrille. Je n'ai pas connu de problème majeur sauf peut-être un jour où à l'atterrissage j'ai fait de l'aquaplaning sur la piste. Je n'ai pas pu utiliser mes freins comme il fallait mais je n'ai pas demandé qu'on relève la barrière. Toujours est-il que j'ai dépassé la bretelle et que j'ai continué en ligne droite. Evidemment, il y avait un système automatique et la barrière s'est levée. Et je me suis finalement arrêté juste avant, peut-être à 50 centimètres. J'ai été appelé chez l'OSN pour m'expliquer. Si ça avait été un jeune pilote, il se serait fait avoir. Mais en fonction de votre expérience et si vous étiez connu, ce genre de chose pouvait passer.

La 2e escadrille était une escadrille strike. Nous organisions nos tours de garde QRA. Il fallait d'abord que nos mécaniciens accrochent et déposent les bombes sur les avions dans des délais déterminés. Et il fallait que nous assistions à cette opération, hiver comme été. Le site comprenait quatre hangarettes et un bâtiment où logeaient les mécaniciens, les pilotes et l'officier américain chez qui allaient arriver les codes en cas d'alerte. Le tout était entouré de deux rangées de barbelés et entre les barbelés circulaient des chiens.

Nous montions de QRA pendant 24 heures. Pour rentrer dans cet enclos, nous avions un badge pour le jour où nous étions de garde et qui n'était valable que pour ces 24 heures. Les mécaniciens et les gardes en avaient également. Il y avait un garde américain et un garde belge à chaque avion. Dans les avions, il y avait un système gyroscopique qui tenait compte de la température, de la pression, etc. et que nous devions régler toutes les trois heures en fonction des informations météo que nous recevions sur la cible. C'était la première contrainte. Chaque avion avait son mécanicien, ce qui fait que – je prends mon exemple – chaque fois que je devais aller à l'avion, je devais emmener mon mécano avec moi. L'avion était placé dans un rectangle délimité par une ligne jaune et je ne pouvais pas y pénétrer s'il n'était pas avec moi. Le garde contrôlait les badges. Nous entrions dans la zone, je faisais mes réglages et nous ressortions. Maintenant, admettons que l'avion avait une perte d'oxygène et qu'il fallait faire le plein régulièrement. Parfois, une heure ou deux plus tard, mon mécano venait me chercher pour retourner à l'appareil. Et le cinéma recommençait, avec le badge etc. Il ne fallait pas que l'avion ait trop de problème sinon on passait son temps à faire des allers-retours. Et les Américains étaient intraitables. J'ai un jour assisté à un contrôle d'un officier de garde américain. Il est tombé sur un garde qui dormait. Le gars a été remplacé séance tenante. Le lendemain, un avion de Bitburg est venu le chercher, direction les Etats-Unis et Conseil de guerre !

Pour ces missions, nous avions nos cartes de guerre. J'ai été "Int" (4) tout un temps à l'escadrille. Je préparais les missions de guerre. J'établissais les cartes, avec tout ce qu'il fallait dessus, les sites de missiles, les zones à éviter, les entrées, etc. Régulièrement, on convoquait les pilotes de l'escadrille qui devaient nous raconter leur mission par cœur, sans carte. Et tant qu'un pilote n'y parvenait pas correctement, il devait la réétudier. Et pendant ce temps là il ne volait plus. Le CO était très attentif à cela parce que lorsqu'il y avait des alertes, fictives, nous étions contrôlés. On prenait des types au hasard qui devaient raconter leur mission. Et si ça ne fonctionnait pas, c'était toute l'escadrille qui en prenait pour son grade. On ne rigolait pas avec ça. Les missions étaient stockées dans la "war room". J'avais conçu un système de cartes facilement transportable, car en cas d'alerte nous devions nous déplacer dans un bunker. J'avais une carte tout à fait anonyme dans la "war room" et j'avais des feuilles de plastique transparent sur lesquelles étaient dessinées toutes les missions de guerre. Ce qui veut dire que si les deux étaient séparés, ils ne présentaient aucun intérêt. Mais pour les transporter, c'était facile, je prenais la carte et les plastiques sous le bras et je me rendais au bunker, où je les épinglais au mur. On travaillait pratiquement tout le temps dans cette "war room" car les missions changeaient régulièrement. Les anciennes cartes étaient brûlées et remplacées par de nouvelles. On faisait les cartes de navigation sous forme de strips découpées et collées bout à bout. Ainsi, le pilote pouvait dérouler sa carte, pliée en accordéon, devant lui. Une fois arrivé au bout de votre accordéon, vous étiez sur l'objectif. Sur la carte, il y avait des repères qui indiquaient la présence de sites missiles ou de zones particulières, même s'ils n'apparaissaient pas nécessairement sur le morceau de carte découpé. En plus, les échelles changeaient quand on s'approchait de l'objectif et donc, quand on arrivait sur une portion de carte avec une échelle plus petite – quand on passait d'une carte au 1/500 000e à une autre au 1/100 000e ou au 1/25 000e – ça défilait plus vite. Il fallait donc s'adapter. D'autant qu'on augmentait la vitesse. Dans la phase d'attaque, on était à 500 nœuds, toujours au ras du deck ! Au moment de s'aligner sur la cible, on passait toujours sur un point significatif, un embranchement de routes, par exemple. On s'alignait, manette dans le tableau de bord et on était parti.

En fonction de l'objectif, il y avait des missions où il était prévu qu'on ne rentre pas chez nous. Si le fuel n'était pas suffisant, on devait atterrir en Norvège, par exemple. Ou bien on ne se posait pas du tout. On devait gagner une zone déterminée et sauter. Dans ce cas, on devait se cacher pendant vingt-quatre heures. Après ça, on pouvait se montrer. Les coordonnées des missions avaient déjà changé. Les renseignements qu'on détenait n'avaient plus aucune valeur.

En dehors du QRA, il y avait des entraînements qui s'effectuaient sur la ligne, où étaient d'ailleurs peints les mêmes rectangles jaunes. Et quand il y avait des exercices, on mettait des avions dans ces rectangles et on vous attribuait un avion et un mécano et, en principe, des badges. En général, dans les exercices, on gardait son badge de l'escadrille. Mais il y avait tout de suite un garde devant et derrière l'avion, Américain et Belge car les avions recevaient chacun leur bombe, non armée bien sûr. Les mécanos devaient alors en quelques minutes les accrocher. S'il n'y arrivaient pas dans les temps, ils devaient recommencer la procédure jusqu'à ce que le résultat soit bon. Je me rappelle qu'un jour, un pilote est passé par la roulotte où se trouvaient les mécanos et a demandé si l'un d'entre eux pouvait l'accompagner car il devait aller à son avion. Il ne lui est pas venu à l'idée de demander son mécano – ou peut-être n'était-il pas là à ce moment-là – et c'est le mien qui a accepté de partir avec lui. Il est donc parti à l'avion, a pénétré dans le rectangle, avec le mécano, et a fait son drill de départ. A ce moment, on m'a demandé la même chose. Je suis moi aussi passé à la roulotte et j'ai demandé après mon mécano. Comme il était déjà sur la ligne, je me suis rendu à mon avion, qui était juste à côté de l'autre. J'ai vu mon mécano et je l'ai appelé pour pouvoir pénétrer dans le rectangle. Il m'a rejoint et j'ai franchi la ligne jaune, je suis monté dans l'avion et je me suis strapé. Mais à ce moment-là, le garde américain s'est rendu compte qu'il n'y avait plus de mécano dans sa zone. Il a alors crié à l'autre pilote : "Get out !". Comme il ne réagissait pas, il lui a dit une seconde fois de sortir. La troisième fois, le garde a armé son arme et mis le type en joue. Je n'ai jamais vu quelqu'un sortir aussi vite d'un avion, parachute au dos et tout. Il a presque plongé la tête la première. Il était vert.

C'était comme ça avec les Américains. Durant le boulot ils ne rigolaient pas. Quand ils sont arrivés à Florennes, on nous a dit de faire attention. Même sur la base, ils avaient une sécurité énorme. Ils organisaient, par exemple, des convois pour changer les bombes au QRA. Devant et derrière le convoi, il y avait des jeeps avec un affût quadruple. Sur la base ! Il ne fallait pas traverser, ces types tiraient à vue ! Nous les laissions donc passer bien tranquillement.

En dehors de cela, il y avait les entraînements. On allait tirer à Vlieland. Nous partions à quatre avec de petites bombes d'exercice qui théoriquement avaient les même caractéristiques balistiques que les vrais bombes et qui émettaient de la fumée en touchant le sol. Et il fallait qu'on touche la cible à 300 mètres maximum. Pour la technique LABS, on faisait le run et, à un moment donné, en fonction de la distance de la cible, on appuyait sur le bouton de largage de la bombe. Rien ne se passait mais le timer du gyro s'enclenchait. En arrivant sur l'objectif, il avait fallu tenir compte du vent. On tirait dans le stick à 4 G et on faisait un Immelman, on plongeait et on filait pour être loin de l'objectif au moment où l'explosion, théoriquement, allait se produire. A un moment donné, dans l'ascension, le timer arrivait à bout de course. Théoriquement, vous deviez être à la bonne altitude et à la bonne incidence. La bombe se détachait, continuait à monter puis retombait et, si vous aviez bien fait vos calculs, elle tombait dans les 300 mètres de la cible. On nous annonçait directement le résultat par radio.

Dans le cockpit du F-84F, entre le siège et la console latérale droite, il y a toute une série de "circuit breakers" qui, lorsqu'ils sont engagés, vous permettent de faire différentes choses avec l'avion. Comme on ne pouvait pas les voir, pour les actionner il fallait, en tâtant, compter les rangées, puis compter, en partant de l'arrière ou de l'avant, pour trouver la position exacte du "circuit breaker" qu'il fallait pousser ou tirer. Vous étiez alors censé avoir bien mis votre système en marche. Et un jour je pars tirer avec une section. En route, j'enclenche mon "circuit breaker". J'entame ma manœuvre, je fais mon Immelman et on m'annonce que j'ai tiré à 7 500 pieds de la cible ! Je me dis que ce n'est pas possible. Je refais une deuxième passe. La manœuvre s'exécutait quasiment en PSV. Il fallait regarder l'horizon artificiel, le G-meter et le "turn and slip". Bref, je tire bien mes 4 G et, une fois encore, on m'annonce que je suis à plus de 7 000 pieds de la cible ! En fait, je m'étais trompé de "circuit breaker" et ma bombe, au lieu d'être larguée à la verticale, s'était détachée bien avant et était partie en balistique. La nouvelle a fait le tour de l'escadrille et on m'a offert un beau "circuit breaker" en souvenir."

Quatre ans plus tard, Edgard Auspert est à nouveau rappelé comme instructeur, sur SV 4. C'est au cours de cette période qu'il s'est retrouvé dans une situation peu banale.

"Blume m'était à nouveau tombé dessus et j'étais à présent instructeur à Gossoncourt. Un jour, j'ai reçu un coup de fil de Florennes pour me demander si je pouvais conduire en SV Mich Mandl (5) à Bierset pour aller y rechercher un F-84F. J'ai dit OK et j'ai donc décollé pour Florennes.

Premier problème, le siège du SV est prévu pour accueillir un parachute sur lequel on s'assied. Le parachute du F-84F était un parachute uniquement dorsal. De plus, les fiches des écouteurs et du micro n'étaient pas du même type sur les deux avions. Mais, malgré tout j'ai embarqué mon passager qui, bien qu'un peu à l'étroit sur son siège à cause de la place que prenait son parachute, m'assurait que tout était OK. Et nous voilà partis pour un petit vol à basse altitude au-dessus de l'Ardenne.

Le vol se déroulait sans histoire jusqu'au moment où, aux alentours de Faulx-les-tombes, plus de moteur ! Mon hélice venait de se détacher ! J'ai tiré sur le stick pour convertir la vitesse qu'il me restait en altitude et j'ai commencé à rechercher un endroit pour me poser. La région était fort boisée mais je suis parvenu à trouver une prairie, à l'orée d'un bois. Par gestes, j'ai signalé à Mich de serrer ses straps. Il m'a répondu OK en levant le pouce. J'ai entamé un virage à 180 degrés pour m'aligner sur la prairie. C'est alors que j'ai vu que, caché par les bois, il y avait sur le terrain les tentes d'un camp scout. Mais je n 'avais plus le choix, je devais me poser. Heureusement, l'SV s'est arrêté à une cinquantaine de mètre du camp.

En descendant de l'avion, Mich m'a demandé ce qui m'avait pris de me poser là. Il n'avait pas vu que nous n'avions plus d'hélice et se demandait si je n'avais pas voulu lui faire une blague ! Il en fut quitte pour rentrer une fois de plus à Florennes … par la route. Quant à moi, avant de rentrer à Gossoncourt, j'ai téléphoné à ma femme pour lui dire que je reviendrais plus tard à la maison. Elle m'a alors demandé si j'avais entendu à la radio qu'un avion de la Force Aérienne avait dû se poser dans un champ à Faulx-les-Tombes. Je lui ai répondu que je n'avais rien entendu. Et pour cause …"

Après cette deuxième période comme moniteur, Edgard Auspert revient à Florennes, à la 1ère escadrille, équipée elle aussi de Thunderstreak.

"Par rapport à la 2e qui était strike, à la 1ère on faisait surtout de l'attaque au sol et beaucoup de navigation. C'étaient des missions plus classiques. Ce qui n'empêche qu'on essayait de s'assigner des objectifs plus difficiles à repérer, comme des chapelles ou des potales perdues dans la campagne. C'était stimulant. Et si en plus vous y mettiez de la précision du point de vue du temps, ça devenait vraiment intéressant. On faisait aussi des "nav rendez-vous" à quatre avions qui partaient dans des directions différentes, puis se retrouvaient deux par deux, puis à quatre, le tout à dix secondes près, sur une nav de 2 heures. Première difficulté, il fallait retrouver le point de rendez-vous. Ensuite, il fallait y être à l'heure car les autres n'attendaient pas et se dirigeaient déjà sur le point suivant.

Nous allions aussi tirer aux mitrailleuses et aux roquettes à Helchteren. Nous tirions souvent des roquettes d'exercice mais une fois ou l'autre, nous avons utilisé des roquettes de 5 pouces. C'était impressionnant. J'ai vu des chars se retourner littéralement. Pour tirer, il fallait avoir une bonne vitesse et un bon équilibrage de l'avion. On tirait à 1 500 mètres. Il fallait faire attention à ce que l'on appelait le "target fascination". Quand on tirait, on voyait au sol l'impact des balles, devant la cible. En avançant, quelques balles finissaient par la traverser. En "target fascination", on voyait que les balles allaient aller dedans et on tenait, on tenait, on tenait. Mais à 400 nœuds, quand il fallait faire un "pull up" c'était parfois à quelques mètres de la cible. Dans certains cas, il valait mieux refaire une passe pour mieux se stabiliser. De plus, il y avait parfois du vent et l'avion commençait à danser latéralement. Si vous commenciez à corriger au palonnier, ça ne faisait qu'amplifier les mouvements. Bref, il fallait toujours être sur une bonne pente et être bien stable. Et avoir la bonne vitesse. Si un de ces paramètres n'était pas correct, ça ne fonctionnait pas.

Comme à la 2e, nous faisions régulièrement à la 1ère des décollages JATO. Ces décollages s'effectuaient normalement quand les avions étaient à pleine charge et devaient décoller sur une courte piste. Nous nous entraînions à cette manœuvre. Il y avait en bord de piste des cônes dont nous nous servions comme points de repère pour simuler un décollage sur une piste courte. On mettait les gaz et, à 115 nœuds, on enclenchait les JATO. Ça donnait un coup de pied aux fesses par rapport au décollage normal. Il faut bien se rappeler que le moteur du F-84F ne délivrait que 7 000 livres de poussée. Avec les JATO, dès qu'on quittait le sol, on rentrait le train pour réduire la traînée, on cabrait l'avion et on montait sous un angle beaucoup plus fort. Et quand les fusées s'arrêtaient, la sensation était assez bizarre. Il fallait rendre la main pour que le moteur agissent un peu plus et pour prendre de la vitesse car à ce moment, on n'était qu'à 120-130 nœuds. C'étaient les JATO qui permettaient de tenir à cette vitesse. C'était différent des décollages classiques où on avait un angle de montée beaucoup plus confortable mais ce n'était pas dangereux en soi, sauf si l'une des fusées s'arrêtait trop tôt. Mais je ne me rappelle pas avoir entendu parler d'accidents de ce genre."

Après un an et demi passé à la 1ère escadrille et une carrière de dix-huit ans bien remplie, Edgard Auspert a quitté la Force Aérienne en mars 1970.


(1) Détachement de Pilotage Elémentaire
(2) Carnet de notes aviateur
(3) Flight de formation moniteur
(4) Spécialiste en renseignement
(5) Futur chef de d'état-major de la Force Aérienne, jeune officier à l'époque


Interviews: Vincent Pécriaux (25 février et 15 mars 2007)
Note: Reproduction interdite sans l'accord préalable écrit de leurs auteurs respectifs


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