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Carnets de vol: Jan Fransen

Carnets de vol: Jan Fransen

Carnets de vol: Jan Fransen

Originaire de Peer, Jan Fransen aime venir se perdre aux abords du nouvel aérodrome de Kleine-Brogel pour y voir ces chasseurs-bombardiers qui l'intriguent et le fascinent. Adolescent, au cours de ses humanités gréco-latines, il suit un stage de vol à voile à Saint-Hubert et sollicite même une bourse auprès de la Force Aérienne pour faire quelques vols de vulgarisation. Puis, il remplit les différentes formalités pour devenir candidat pilote. Nous sommes en plein été 1966.

"Le 17 août, je suis arrivé à la caserne Géruzet. C'était vraiment un rêve qui devenait réalité pour moi. Après quelques années assez maigres, le nombre d'élèves a recommencé à augmenter. Notre promotion, la 67A, comptait 44 élèves, auxquels sont encore venus s'ajouter 8 candidats pilotes Light Aviation.

 Les quelques vols en planeur que j'avais faits m'ont sûrement aidé car, à Gossoncourt, j'ai été le premier de la prom à être lâché sur SV4 après seulement six vols. Je me vois encore sur mon lit, un manche de brosse entre les mains, expliquer aux autres – qui pour certains n'avaient fait qu'un ou deux vols – comment faire telle ou telle manœuvre.

Chaque moniteur formait deux ou trois élèves. Les radiations étaient nombreuses car il fallait réaliser ce que prévoyait le programme dans les délais prévus. Sinon, il y en avait suffisamment derrière, prêts à prendre votre place.

Le pas à franchir suivant, le Fouga à Brustem, était assez grand. C'était un avion qui allait plus vite, qui avait des moteurs à réaction, un cockpit qui se fermait. Et puis, on portait un casque avec un masque à oxygène comme les vrais pilotes de chasse et non plus un serre-tête en cuir, comme à Gossoncourt.

A l'époque où nous étions au Centre de Perfectionnement, d'importants travaux ont été effectués à Brustem et nous avons suivi pendant plusieurs mois notre formation à Beauvechain. Nous étions du côté sud de la base et nous volions à partir de la piste parallèle, plus courte et moins large. La piste principale était réservée aux F-104G mais nous pouvions l'utiliser pour les vols de nuit. Et je me rappelle que pendant l'heure de midi, nous regardions Bill Ongena ou Sus Jacobs qui s'entraînaient pour leurs démonstrations. Impressionnants, ces touch-roll-touch and go ! Notre rêve était là, juste à côté.

J'étais fort motivé et tout s'est bien passé. Comme il y avait énormément de Fouga dans le circuit de Beauvechain, il arrivait que nous allions une journée sur un autre aérodrome. C'est ainsi que j'ai été transporté avec quelques autres en DC-3 jusqu'à Chièvres où j'ai fait mon premier solo. A la fin de l'entraînement, nous sommes rentrés à Brustem. Nous avons aussi fait une première campagne de tir mitrailleuses et roquettes à Solenzara."

A cette époque, la Force Aérienne et la Koninklijke Luchtmacht suivent un programme d'entraînement intégré. La progression se poursuit donc aux Pays-Bas, à Woensdrecht, sur T-33.

"Nous sommes arrivés début 1968, après un stage de survie d'une semaine à Soesterberg, avec drill d'après éjection en piscine. Je me suis bien amusé sur T-33. C'était un avion encore plus rapide, avec un siège éjectable. Nous faisions beaucoup de navigation, d'acrobatie, de formation, de vol aux instruments aussi. Nous avons été brevetés fin juin 1968. J'ai reçu mes ailes d'un commodore néerlandais, même si j'aurais préféré un général belge.

Ensuite, nous sommes allés à Eindhoven pour l'OCC (1) sur F-84F Thunderstreak. D'abord trois semaines de cours au sol sur les systèmes du F-84F à Deelen, puis un "sector recce" en T-33 pour nous familiariser avec notre nouvel environnement. Après plusieurs heures de cockpit drill nous étions prêts pour le premier vol. L'instructeur, assis sur le bord du cockpit, surveillait notre internal cockpit check avant le démarrage du moteur. Puis venait le moment de fermer le cockpit et quand quelques minutes plus tard il nous appelait depuis son avion, on mettait en route et c'était parti. Le décollage s'effectuait avec l'instructeur en chase. Pour moi, tout s'est passé sans problème. J'étais tellement heureux que j'avais envie de crier. J'étais aux commandes de l'avion dont j'avais toujours rêvé !

Un mois plus tard, j'ai fait mon Mach run, mon premier vol supersonique. Pour ce vol, j'ai décollé de De Peel, un aérodrome de réserve, avec un avion en configuration lisse. Donc pas beaucoup de fuel. Tout est allé très vite : direction Woensdrecht avec mon instructeur en 'chase', grimpée à 25 000 pieds au-dessus de la Mer du Nord, retournement sur le dos, plongée à la verticale pleine puissance jusqu'à ce que l'avion passe le mur du son et ressource en vol horizontal. Et puis, comme nous étions "short on fuel", nous sommes directement rentrés à De Peel.

Ensuite, nous avons continué notre conversion opérationnelle par des vols de transition, des navigations, des formations de combat et une période de gunnery à Leeuwarden, une base plus proche du champ de tir de Vlieland. Au programme : tir au canon et largage de petites bombes d'entraînement. De retour à Eindhoven, c'est en rentrant d'une mission de gunnery qu'un de nos copains, Paul Raemdonck, s'est tué. Il faisait du tail chase quand un de ses bidons s'est détaché et est venu heurter la queue de son avion. Il n'a rien pu faire. On a pu déterminer par la suite que c'était la fatigue du métal qui était la cause de l'accident."

A la fin de cette conversion, c'est Florennes qui attend normalement Jan Fransen.

"Fin novembre, nous n'étions plus que treize. Nous devions être affectés à une escadrille opérationnelle à Florennes. Et puis, grande surprise : une directive a été émise par l'état-major. Elle prévoyait que quatre pilotes de notre promotion seraient désignés pour aller suivre le cours moniteur. Tout le monde se cachait évidemment car on voulait tous aller en escadrille opérationnelle. Et les noms sont tombés : Ligot, Janssens de Varebeke, Van Belle et Fransen... J'ai tout fait pour échapper à cette affectation qui pourtant, avec le recul, a orienté la suite de ma carrière. Le fait d'avoir suivi le cours moniteur m'a finalement beaucoup servi. Mais, en attendant, c'était retour à Gossoncourt et à Brustem, au FFM (2) , et aussi retour sur SV4. Nous avons volé entre nous pendant un mois et dès janvier, nous avons entamé le cours moniteur qui commençait par des cours au sol. Nous avons été rejoints par Jean-Luc Herijgers, qui venait de Florennes, l'adjudant-chef Taverniers, pilote de Thunderflash, et le lieutenant Nollet qui venait du 15e Wing.

A cette époque, nous fréquentions déjà un certain Paul Van Essche, qui n'était autre que le leader des Diables Rouges ! Il était aussi instructeur au FFM. Il donnait des cours au sol et était moniteur sur SV et Fouga. Je me rappelle que pendant l'heure de midi, il partait avec un élève en SV jusqu'à Brustem pour faire un entraînement avec les Diables Rouges. Et quand il avait terminé, il revenait à Gossoncourt avec son élève pour poursuivre son travail de moniteur l'après-midi. C'était quelqu'un de très jovial avec les jeunes.

Après le SV, nous avons enchaîné avec le cours Fouga. En plus des cours techniques, nous avions aussi des cours de méthodologie. Nous devions apprendre notamment à préparer des briefings. En vol également, nous devions enseigner à notre "élève" – en fait notre propre moniteur – et lui montrer comment faire du vol rectiligne, par exemple, ou telle ou telle manœuvre. Nous devions aussi apprendre et pouvoir enseigner tous les aspects du vol. Après un final test en mai avec le CO, j'ai commencé à former mes premiers élèves. Les anciens moniteurs voyaient d'un bon œil notre arrivée car il y avait énormément d'élèves, Belges et Néerlandais. Nous travaillions en shifts, de six heures à treize heures et de treize heures jusqu'en fin de journée. Cela nous permettait de voler beaucoup puisque nous faisions au moins trois vols d'une heure par jour. Nous étions donc fort occupés.

Nous étions très proches des Diables Rouges, moniteurs comme nous, et un jour, le major Lamproye, le CO, est venu me trouver et m'a demandé si ça m'intéressait de faire partie de la patrouille. Il avait vu que je me débrouillais bien en acro et en formation. Il devait être le prochain leader de la patrouille mais à la suite de problèmes de santé, il a été remplacé par Jos Lelotte qui a ensuite été rejoint par Paul Christiaens. Ce sont donc ces deux vétérans qui ont été chargés d'encadrer les quatre jeunes : Van Belle, Ligot, Herijgers et moi. Cette formule était manifestement la bonne. J'ai fait deux saisons au sein des Diables Rouges, comme ailier arrière droit. C'était suffisant car, avec l'expérience, on a tendance à devenir trop confiant et il faut pouvoir s'arrêter avant de faire la saison de trop."

L'heure de passer en escadrille opérationnelle arrive enfin pour Jan Fransen. Sa nouvelle base : Kleine-Brogel.

"Dany Van Belle et moi avons d'abord suivi une conversion F-104 au TF-Flight de Beauvechain, dirigé à l'époque par Léo Lambermont. J'ai effectué sept vols en doubles commandes et un solo à Beauvechain. Le reste de la conversion s'est fait à Kleine-Brogel. La mission de chasseur-bombardier était en effet très différente de celle d'intercepteur. Nous évoluions beaucoup plus près du sol. Les années précédentes, il y avait eu plusieurs accidents avec des jeunes pilotes, notamment sur le range de Vlieland, où s'effectuaient des missions de jour et de nuit. Accélérer jusqu'à 0.80 Mach à 1000 pied sol au-dessus du lac de l'IJssel en pleine nuit, tout en regardant son radar pour trouver le target, ce n'était pas rien. La moindre perte de concentration ou distraction pouvait être catastrophique.

A la suite de ces accidents, l'Etat-Major avait décidé qu'il fallait améliorer la conversion des pilotes à Kleine-Brogel. Et nous avons été les premiers à être formés par un noyau de pilotes très expérimentés sur F-104. C'étaient pour la plupart des adjudants-chefs qui avaient tous plus de 1000 heures sur l'avion et qui pouvaient nous indiquer des pièges à éviter. Ce TF-Flight a sans aucun doute contribué à réduire le nombre d'accidents, même s'il y en a encore eu par la suite.

Notre entraînement a duré quelques mois. Nous avons d'abord été formés aux missions Strike pour pouvoir monter rapidement de QRA (3). L'entraînement strike s'effectuait en principe à Pampa mais aussi sur d'autres ranges comme Vlieland, Nordhorn ou Solenzara.

C'est au QRA que l'on prenait conscience du caractère sérieux du métier de chasseur-bombardier strike. Les plates-formes LN-3 (4) de navigation étaient préparées pour un alignement rapide. Nous disposions d'une Station Storage Unit, un boîtier métallique, dans laquelle nous pouvions intégrer manuellement jusqu'à 12 waypoints. Normalement, nous ne devions pas aller dans le cockpit sauf lors du changement de pilote pour aller mettre nos effets de vol dans l'avion ou, périodiquement, pour démarrer le moteur et faire des vérifications nécessaires. L'avion était donc prêt, de même que le pilote dans un dispersal proche, pour un décollage dans un délai très bref, jour ou nuit. Le "special weapon" était accrochée en point ventral. Chaque avion était équipé de quatre bidons. Chaque bidon contenait environ 1000 livres de carburant. Avec le carburant interne, on disposait au total d'à peu près 10 000 livres. Dans cette configuration, les pylon tanks sous les ailes se vidaient les premiers. Il fallait alors les larguer. Puis on vidait les tiptanks en bout d'aile. Après le largage de la bombe, on devait rentrer en high level sur le carburant interne. Il y avait deux procédures de largage, le lay down qui consistait à larguer la bombe en vol horizontal et le LADD, Low Angle Drogue Delivery. Dans les deux cas, avant la mission, on calculait la valeur de deux timers, le run-in timer et le release timer que l'on introduisait une fois en vol. A l'approche du target, après avoir passé l'IP (5) , on accélérait à 0.8 Mach. A un certain point de repère, visuel ou sur radar, on enclenchait le run-in timer en maintenant enfoncé un bouton situé sur le stick. Lorsque le run-in timer était terminé, une lampe s'allumait dans le cockpit pour indiquer le commencement du release timer qui déterminait le point de largage de la bombe. En cas de LADD, il fallait alors commencer le cabré. L'essentiel, c'était donc de faire sa navigation vers l'IP, ensuite de trouver le point de repère pour lancer le run-in timer et de faire sa manœuvre en respectant bien tous les paramètres. La bombe partait automatiquement, et retombait, suspendue à son parachute. Après le largage en LADD il fallait passer sur le dos pour pouvoir redescendre 45 degrés en dessous de l'horizon, revenir à l'horizontale et s'échapper à très basse altitude. C'était une "hair-raising manœuvre", surtout s'il fallait la faire de nuit ou dans les nuages.

Notre deuxième mission était l'attaque conventionnelle. Nous nous entraînions beaucoup pour garder nos qualifications. Il y avait un tableau dans la salle ops qui montrait la situation de chaque pilote, ce qui permettait de voir les missions à effectuer pour conserver ces qualifications.

Nous faisions aussi des vols aux instruments pour renouveler nos qualifications IFR. Cela se faisait au TF-Flight où je suis devenu moniteur fin 1973. C'est ainsi que j'ai dû apprendre à faire des backseat landings, ce qui n'était pas simple car le F-104 se posait à 160 nœuds et l'approche se faisait très bas. Pour le poser en place arrière, il fallait avoir suivi une formation particulière et plusieurs vols d'entraînement. J'ai effectué ma formation à Kleine-Brogel mais c'est à Beauvechain que j'ai fait mon checkout backseat avec l'adjudant-chef Jan Govaerts. J'ai ensuite commencé à voler avec des jeunes issus de l'entraînement ou des pilotes confirmés qui venaient faire leur conversion. J'étais aussi IRE, Instrument Rating Examiner, et je faisais passer les cartes vertes. Et tout ça en restant pilote opérationnel à l'escadrille que je rejoignais d'ailleurs lors des exercices ou quand je devais monter de QRA.

Je suis resté six ans à Kleine-Brogel, sans connaître d'incident majeur sauf peut-être l'explosion d'un pneu au décollage pour un vol de nuit. L'avion emportait un maximum de fuel et c'est le poids de ce fuel qui, lors de la rotation, à 190 nœuds, a pesé sur les pneus. L'un des pneus n'était pas à la bonne pression et a explosé, entraînant directement l'avion vers la droite. Je l'ai arraché du sol juste avant de sortir de la piste et d'arriver dans l'herbe. J'ai brûlé un maximum de carburant et j'ai demandé qu'un autre avion vienne voir ce qui s'était passé. C'est Pedro Buyse qui s'est placé derrière moi et qui, avec ses phares d'atterrissage, m'a donné les infos. On a d'abord fait atterrir tous les avions de KB et comme j'avais les trois vertes et qu'il n'y avait pas de panne hydraulique, je me suis présenté pour l'atterrissage. Je me suis posé tout en douceur sur le côté gauche de la piste. "No further damage".

Les pilotes de Kleine-Brogel ne faisaient que des missions air-sol mais quand la décision a été prise de remplacer le F-104 par le F-16, en 1975, l'état-major a changé de philosophie car le F-16 était un avion multirôle. En 1977, on a donc commencé à faire de l'air-air, des interceptions et des simulations de tir."

En 1978, la carrière de Jan Fransen prend un nouveau tournant puisqu'il est désigné pour faire une conversion F-16 à Edwards.

"En novembre 1978, nous nous sommes retrouvés à cinq en Californie : Jef Deheyn, le chef de détachement, Jean-Marie Toussaint, Gommaire Van Beneden, Marc Van De Velde et moi. J'étais, une fois encore, au bon endroit au bon moment.

Nous avons volé sur les F-16 FSD (6) , qui avaient une instrumentation de base. Ces avions étaient encore en phase d'essais et étaient donc fort sollicités. C'est pourquoi nous n'avons pas reçu une conversion formelle et avons d'abord fait quelques vols en backseat avec des pilotes d'essai militaires et civils, en dehors de l'entraînement. En tout, j'ai fait dix-sept vols, dont les six vols de qualification prévus mais aussi du ravitaillement en vol, des démonstrations de vol à incidence élevée, etc. Nous avons reçu le tout premier manuel de vol et nous avons beaucoup discuté avec les pilotes d'essai. Et puis, il a fallu préparer les cours au sol. Je me suis ainsi occupé de la partie hydraulique.

Voler à Edwards Air Force Base était une expérience unique. C'était LA base des pilotes d'essai et l'atmosphère y était tout à fait particulière. Je me souviens que devant le mess, il y avait une place de parking marquée "Chuck". C'était la place réservée de Chuck Yeager qui venait d'ailleurs régulièrement au mess. C'était aussi l'époque où la première navette spatiale effectuait des vols d'essai sur le dos d'un 747. C'était vraiment une période très intéressante.

Le premier F-16 a été livré à Beauvechain le 26 janvier 1979. Nous sommes rentrés en mars et nous avons reçu une baraque sur la base. Le premier biplace, le FB-01, était là, ainsi que le FA-01, le premier monoplace. Les autres appareils sont arrivés petit à petit de la SABCA. Nous avons commencé les vols en biplace. Nous faisions des vols entre nous pour gagner un maximum d'expérience et s'entraîner à faire des backseat landings. Puis nous avons volé avec des pilotes de l'Etat-Major. Le premier cours de conversion d'essai, le CC 0, a débuté pendant l'été. Son but était de mettre au point une formation d'une qualité suffisante pour le CC 1 et les suivants.

Je suis resté un an à Beauvechain. Il était prévu qu'après la conversion de la 349 et de la 350 je rentre à Kleine-Brogel avec des moniteurs que nous aurions formés pour assurer la conversion de la 23e et de la 31e. Mais, entre-temps, la Belgique s'était engagée dans un programme d'évaluation d'un système de contre-mesures électroniques, le Rapport III de Loral. Pour ce programme, deux F-16, les FA-03 et FA-04, devaient être modifiés chez General Dynamics. C'est Jef Deheyn qui, en deux vols transatlantiques, ravitaillé en vol par un KC-135, a amené les avions à Fort Worth. La Force Aérienne devait ensuite envoyer deux pilotes et une équipe technique pour faire les essais. Evidemment, les seuls pilotes qui avaient un peu d'expérience étaient les instructeurs F-16 et c'est comme ça que j'ai été désigné avec Léon Stenuit - remplacé peu après par Chris Spira - pour passer quasi un an à Eglin AFB, en Floride, dès février 1981. C'était aussi une expérience unique, mais le programme n'a finalement rien rapporté à la Belgique. Ce sont les Israéliens qui en ont bénéficié plus tard. En soi, les vols d'essai n'étaient pas très complexes. Nous allions sur un test range situé dans le Golfe du Mexique en face de la côte où se trouvaient des sites de SAM 2, de SAM 3, etc. Je devais faire des "flat turns", des virages à plat. Un 'display' dans le cockpit me signalait quel site SAM à quel endroit avait détecté l'avion et la réaction du RAPPORT III. Pour permettre aux ingénieurs au sol de recueillir les données de manière optimale, l'angle de virage ne pouvait pas dépasser quatre degrés. Ce n'était pas évident car l'avion n'était pas fait pour ça. Cela prenait du temps mais finalement, à force d'entraînement, je suis arrivé à faire des virages plats sur 360 degrés.

Je suis rentré en janvier 1982 à Kleine-Brogel, pour retourner quelques semaines après, rejoindre Chris Spira et ramener les avions en Belgique. Contrairement aux vols de convoyage effectués par Jef Deheyn à l'aller, ces vols se sont fait sans ravitaillements en vol. J'ai préparé le plan de vol et je me suis occupé des clearances diplomatiques. Nous sommes revenus à Beauvechain via Goose Bay, au Canada, et Keflavik, en Islande.

A Kleine-Brogel, j'ai succédé à Jef Deheyn, qui était parti à l'Ecole de Guerre, à la tête de l'OCU. La conversion de la 23e escadrille était terminée et il restait encore quelques pilotes de la 31e à former avant que l'OCU soit dissous et fasse place à un Flight F-16B."

Quelque temps plus tard, Jan Fransen quitte Kleine-Brogel pour Melsbroek

"Il me restait sept ou huit ans à faire et j'ai obtenu une mutation au 15e Wing de Transport en janvier 1985. Après une conversion sur C-130 au TCU, j'ai rapidement été envoyé en mission humanitaire au Soudan, en Ethiopie, au Zaïre. Toutes des missions très intéressantes.

Un jour, en rentrant du Zaïre, l'OSN m'a appelé dans son bureau pour me dire que l'on cherchait quelqu'un pour devenir instructeur sur AWACS à Geilenkirchen. Comme je comptais continuer à voler dans le civil, c'était une proposition particulièrement intéressante. Pour moi, c'était encore mieux que terminer ma carrière sur C-130. J'ai donc accepté.

Je suis resté à Geilenkirchen de 1986 à 1992. J'ai suivi un cours accéléré de first pilot et d'aircraft commander puis une conversion pour devenir instructeur, tout ça en à peine deux ans. Le Training Centre formait toutes les spécialités qui se retrouvaient à bord : pilotes, navigateurs, flight engineers, radar technicians, fighter allocators, weapons controllers, communications operators,... Il y avait environ quinze spécialistes à bord, en plus des quatre membres du flight deck. Sur AWACS, les équipages étaient toujours internationaux. Travailler ensemble avec autant de nationalités différentes n'était possible que parce qu'il y avait une standardisation énorme.

A cette époque, trois B-707 ex-SABENA ont été modifiés par l'OTAN en TCA (7) pour assurer l'entraînement et des vols cargo. J'ai été le troisième pilote à voler sur ce type d'avion. Il n'y avait plus de navigateur à bord mais un système OMEGA qui permettait des vols transatlantiques.

Quand en août 1990, Saddam Hussein a envahi le Koweit, l'OTAN a augmenté ses déploiements pour éviter toute agression contre la Turquie. Nous avons fait beaucoup de vols dans le sud de ce pays dans le cadre de l'exercice Anchor Guard puis aussi les mois suivants alors que Desert Storm débutait."

Après six années sur NE-3A, Jan Fransen a quitté l'uniforme pour poursuivre une carrière civile, notamment sur Boeing 707 et Embraer 120.


(1) Operational Conversion Course
(2) Flight Formation Moniteurs
(3) Quick Reaction Alert
(4) Litton Navigation (System) version 3
(5) Initial Point
(6) Full Scale Development
(7) Trainer Cargo Aircraft


Interview : Vincent Pécriaux (25 novembre 2012)
Mise en page: Daniel De Wispelaere

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