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Carnets de vol: Pierre-André Haegeman

Carnets de vol: Paul Jourez


Carnets de vol: Pierre-André Haegeman

Pierre-André Haegeman s'engage à la Force Aérienne en 1949. Son parcours en tant qu'élève de la 116e promotion passe tout d'abord par Melsbroek.

"Avec les autres élèves de ma promotion, je suis arrivé à la caserne Groenveld en octobre 1949. Nous y avons effectué deux mois d'instruction avant d'être envoyés à l'Ecole de Pilotage Elémentaire de Gossoncourt. L'EPE était en pleine période de transition et les bâtiments étaient en travaux. Nous avons suivi tous les cours au sol pendant l'hiver. Comme on venait de semer du gazon sur le terrain, celui-ci était encore marécageux. Nous avons donc dû déménager à Schaffen où nous avons commencé notre entraînement. Nous n'y avons finalement fait que quelques vols car entre-temps, grâce au beau temps, le gazon a poussé suffisamment pour permettre aux avions de se poser à Gossoncourt. Notre promotion a donc été la première à opérer depuis ce terrain.

L'EPE utilisait des SV-4 et des Tiger Moth et chaque élève était désigné pour suivre sa formation sur l'un de ces appareils. J'ai été choisi pour voler sur Tiger Moth.

C'était un avion difficile à piloter mais qui permettait d'acquérir une bonne expérience. Le SV et le Tiger Moth avaient une différence essentielle : le Tiger Moth avait des ailerons sur les plans inférieurs mais pas sur les plans supérieurs, ce qui fait qu'au niveau du 'rate of roll' (taux de roulis), il était minable. Pour faire un tonneau, il fallait mettre le stick tout à fait contre la paroi du fuselage et attendre qu'il ait fini sa figure. Mais attention, comme le moteur se coupait quand il était sur le dos, il fallait le maintenir avec le nez très haut et il fallait corriger avec le pied. Quand il était sur la tranche, il fallait mettre le pied à fond d'un côté et puis de l'autre quand il était de l'autre côté. Sur Tiger Moth, on apprenait vraiment à piloter."

Après 55 heures sur biplan vient le moment de passer sur l'incontournable Harvard.

"En octobre 1950, nous avons été envoyés à l'Ecole de Pilotage Avancé de Brustem. On y volait beaucoup. Je me rappelle qu'il y avait une pancarte sur laquelle il était écrit : 'Une heure de vol est égale à soixante minutes de travail'. J'avais pris la résolution de suivre cette maxime et je m'appliquais à bien piloter.

Le Harvard était l'avion d'écolage idéal pour l'EPA. Son équipement était très complet : train rentrant, système hydraulique, hélice à pas variable, radio, etc. Il était cependant un peu sous-motorisé avec son moteur de 550 chevaux, surtout que cette puissance n'était pas disponible en acro. Le pas de l'hélice était limité – à 1800 RPM si mes souvenirs sont bons – pour ne pas passer en surrégime dans les piqués et les ressources.

A partir de juin 1951, nous avons commencé à voler sur Spitfire IX. C'était un avion merveilleux, bien équilibré. Il était difficile à piloter en ce sens qu'au sol il était dangereux. Il avait un train d'atterrissage très étroit et la position des roues était très proche du centre de gravité. Si on freinait trop fort, il se mettait sur le nez et on cassait l'hélice. Mais en l'air il était magnifique. Il avait un effet de couple très important et il fallait donner beaucoup de pied au décollage et lors des accélérations.

Nous avons été brevetés le 14 juillet 1951. La 116e promotion est la première à avoir volé sur Spit XIV avant de recevoir ses ailes. Le Spit XIV était plus puissant que le Spit IX mais était moins bien équilibré. Il était tellement puissant qu'il maintenait presque son altitude en vol sur la tranche. Sa poussée était assez phénoménale."

Après un passage par l'Ecole de Chasse, Pierre-André Haegeman se retrouve à l'Escadrille auxiliaire, toujours sur Spitfire. Un mois plus tard, il est finalement posté à la 7e escadrille de chasse de jour de Chièvres, sur Meteor F.8.

"Arrivé à Chièvres, j'ai fait une conversion Meteor qui comportait d'abord quelques vols sur bimoteur Oxford pour apprendre le vol asymétrique. Après quatre vols de conversion en Meteor biplace, j'ai été lâché sur Meteor 8. C'était un bon avion, pas du tout vicieux, même sur un moteur.

Je suis resté à Chièvres un an avant d'être désigné pour suivre le cours de moniteur, qui ne m'enchantait pas du tout. Ayant raté cette formation, j'ai été envoyé au Flight 69, à l'Ecole de Chasse, escadrille de perfectionnement. Là, j'ai eu l'occasion de voler en Spit XIV, Harvard, Oxford et Mosquito 3. Je n'ai au fond pas fait beaucoup de remorquage. On volait surtout sur Spit. Il suffisait de s'inscrire sur le planning des vols et on pouvait faire quasiment ce que l'on voulait. On s'entraînait généralement à faire des navigations, de l'acro …"

En avril 1953, changement d'affectation. Pierre-André Haegeman rejoint Beauvechain et la 10e escadrille de chasse de nuit, équipée de Mosquito NF.30.

"Je n'aimais pas cet avion car il avait dans le nez un radar d'interception qui, par son poids, détruisait complètement les caractéristiques de vol que j'avais connues sur le Mosquito 3 qui était plus léger, d'autant qu'il n'était pas armé. Le Mosquito NF.30, par contre, ne m'emballait pas. Comme j'étais déjà qualifié sur Mosquito 3, j'ai été lâché tout de suite sur NF.30. Je n'ai volé que quelques semaines sur ce type d'appareil avant de passer sur Meteor NF.11, toujours à la 10e escadrille puis à la 11e.

La mission restait la même, mis à part que sur Meteor l'équipage était en tandem au lieu d'être côté à côte. Les interceptions se faisaient sous le contrôle du GCI. On montait à l'altitude qu'il nous indiquait et on suivait ses instructions. Quand le navigateur, penché sur son écran radar, signalait la présence d'un 'blip', le pilote mettait le cap sur la cible pour la repérer visuellement et l'intercepter.

En manœuvre, nous interceptions des avions étrangers, de la RAF par exemple, mais en temps normal on s'entraînait avec d'autres avions de l'escadrille. Pour compliquer les choses, celui qui était chassé éteignait ses feux de position. Ces interceptions s'effectuaient toujours seul.

Le Meteor 11 était un appareil très stable, contrairement au Meteor 8 qui 'snakait' un petit peu. Il avait aussi un avantage : il volait mieux à haute altitude du fait qu'il avait des 'full wings'. L'extrémité de ses ailes n'était pas coupée comme sur Meteor 8.

Je me rappelle qu'un jour j'étais à haute altitude quand j'ai aperçu quatre Meteor de Chièvres. Je me suis dis que j'allais les avoir. Je me suis donc mis en position de manière à ce qu'ils ne puissent pas me rater. J'ai entendu à ce moment le GCI qui leur communiquait la présence d'un 'bogey' et leur demandait d'aller voir. Et je me suis mis en virage, poursuivi par les quatre chasseurs. Et on a commencé à faire des virages. Mais à cette altitude la densité de l'air était très faible et le Meteor 8 ne tenait plus. Ce qui fait que s'ils étaient derrière moi au début, à la fin c'est moi qui me retrouvais dans leur queue !

Le problème, avec le Meteor 11, c'est qu'il n'était pas très bon au niveau du tir. Lorsque nous allions en période de tir à Sylt, les scores ne dépassaient pas les 5 ou 6 impacts dans la cible. Il faut dire que ses canons ne se trouvaient pas dans le nez, comme sur les autres Meteor, mais dans les ailes. Les canons étaient harmonisés à 200 mètres, si je me rappelle bien, ce qui fait qu'en deçà et au-delà de cette distance, les tirs n'étaient pas très précis.

Les vols de nuit étaient précédés d'un NFT, un 'night flying test'. C'était un petit vol effectué en fin d'après-midi et destiné à tester le matériel, le radar, l'équipement radio. Les missions ne débutaient que quand il faisait noir. Parfois on faisait deux vols mais c'était rare. Il faut dire qu'on volait énormément à cette époque, de jour comme de nuit. Mais boucler quarante heures de vol par mois, c'était très éprouvant sur le plan physiologique.

A cette époque, on volait encore comme pendant la guerre. Il y avait d'ailleurs pas mal d'accidents mais au niveau pilotage on apprenait beaucoup. On volait par mauvais temps, on faisait du pilotage sans visibilité. Par exemple, sur Tiger Moth mais aussi sur Harvard on faisait ce qu'on appelait le 'Pattern B' qui consistait à effectuer des virages en montant, à gagner telle ou telle altitude en un temps précis, le tout aux instruments, sous une capote pour ne pas voir à l'extérieur. Sur Oxford, on volait avec des lunettes bleues avec des filtres oranges, ce qui donnait l'impression d'être dans le noir complet. C'était vraiment une période très exaltante."

Après cinq années très intenses et riches en expériences au cours desquelles il a pu expérimenter les différentes facettes du métier de pilote de chasse, Pierre-André Haegeman a quitté la Force Aérienne en octobre 1954 pour poursuivre sa carrière de pilote à la SABENA.


Interview: Vincent Pécriaux (6 mars 2005)
Note: Reproduction interdite sans l'accord préalable écrit de leurs auteurs respectifs


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