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Carnets de vol: Pierre Léonard

Carnets de vol

Carnets de vol: Pierre Léonard

Gaumais d'origine et fils d'un officier des troupes d'occupation belges en Allemagne, Pierre Léonard est né et a vécu une grande partie de son enfance en RFA. Bien décidé à embrasser lui aussi la carrière militaire, il entre à l'École des Cadets avant de rejoindre l'École royale militaire.

"J'ai passé trois ans à l'École des Cadets pour préparer mon entrée à l'École royale militaire. L'École des Cadets permettait d'entrer à la Force Aérienne par la voie 'auxiliaire' ou par celle de l'École militaire. Si le choix n'était pas encore bien clair dans mon esprit, il l'était dans celui du directeur de l'école. Les examens de pilote auxiliaire se déroulaient en mars-avril tandis que ceux de l'ERM avaient lieu fin juin. Et on nous a pratiquement interdit de présenter les examens d'auxiliaire, ou en tous les cas, on ne nous a pas facilité les choses.

À l'École royale militaire, les deux premières années étaient consacrées à la formation militaire générale. Ceux qui voulaient devenir pilotes devaient passer un concours et le nombre de places était défini à l'avance. Il fallait non seulement se classer en ordre utile pour entrer à l'École, mais également pour décrocher l'une des places prévues. Dans ma promotion, dix-sept places étaient ouvertes (néerlandophones, francophones, Polytechniques et Toutes Armes). Ensuite, avant d'entrer à l'école d'application, pendant un mois des vacances d'été, les candidats pilotes étaient envoyés à Gossoncourt avec pour objectif de devenir solo avant la fin de ce mois et de poursuivre déjà une partie de la progression. C'était donc relativement intensif. Et pendant les deux dernières années, nous volions tous les deuxièmes lundis et mardis du mois, toujours à Gossoncourt, de manière à terminer le Marchetti en même temps que l'École militaire. Ce système n'était pas idéal. En juillet, on volait bien, puis après un mois d'interruption en août, on recommençait de quinze jours en quinze jours, avec le risque de tomber dans une période de mauvais temps qui freinait encore la progression. C'est sans doute ce qui a fait qu'il y a eu pas mal de dégâts parmi les candidats pilotes de l'ERM.

J'ai fait mon solo Marchetti avec le colonel Blume, qui était une figure du 15e Wing mais qui avait également fait une grande carrière à la chasse. En débarquant du bus en uniforme avec Herman De Haas, il nous a appelés par nos noms, nous a demandé de défaire notre cravate, d'enfiler une combinaison et de nous rendre directement à l'avion. Premier vol !

Nous volions toujours à trois - dont un dans le backseat - sauf quand il fallait faire des manœuvres d'acro prévues dans le programme. Le briefing de Blume était le suivant : "Voilà, vous êtes mes deux élèves. Je vole ici pendant quinze jours et au bout de ces quinze jours de vol, vous devez être solo !" Nous volions donc quatre fois par jour : deux fois aux commandes et deux fois dans le backseat, ce qui permettait d'apprendre aussi. Blume était un fin pilote et il nous expliquait beaucoup de choses. J'en garde un excellent souvenir.

Après treize heures de vol, j'ai été lâché solo. C'est ainsi que s'est terminée ma première étape dans ma carrière de pilote militaire.

J'ai terminé Gossoncourt avec Marc Van Keirsbilck, qui était polytechnicien et qui avait fait une année d'École militaire en plus que moi. Il faut se rappeler que dans les années 50, à l'époque de la guerre Corée, la Force Aérienne faisait former de nombreux candidats pilotes aux États-Unis. Quand ce programme a été arrêté, la Force Aérienne a néanmoins maintenu le contact en continuant à y envoyer deux pilotes par an qui se retrouvaient intégrés dans une promotion américaine. Parfois, il s'agissait de complémentaires ou d'auxiliaires. Mais il se fait que l'État-Major a à un moment donné pris la décision d'envoyer des élèves de l'École militaire. Et j'ai été proposé avec Marc Van Keirsbilck. Nous avons passé un examen d'anglais à MAG BELUX ainsi que d'autres tests. Finalement, la décision est tombée : nous partions pour les States. Comme il y avait un petit décalage avec les promotions américaines, on nous a fait faire une dizaine d'heures sur Fouga, histoire de nous donner un meilleur bagage.

À peine arrivés, premier problème : on nous a dit que nous devions aller suivre les cours d'anglais à la Language School de Lackland. Nous allions à nouveau perdre du temps. Nous avons donc dû expliquer aux Américains que nous avions réussi l'examen MAG BELUX et que nous avions le niveau requis. Et donc, au lieu d'aller à Lackland, on nous a fait voler à Hondo, au Texas, sur Cessna T-41, l'appareil sur lequel les élèves américains entamaient leur formation. Cela nous a notamment permis de nous familiariser avec la phraséologie et les procédures, qui ne ressemblaient pas toujours à ce que nous avions appris en Belgique. Venant du Fouga, nous avons fait sans problème une vingtaine d'heures sur ce Cessna.

Nous avons ensuite été affectés à Moody Air Force Base sur T-37. Nous venions du Texas où il faisait très chaud mais sec et nous nous retrouvions maintenant juste au nord de la Floride dans un climat où il régnait 90 pour cent d'humidité et 40 degrés, avec un orage qui éclatait quasiment tous les jours vers 15 heures ! Nous avons bien été pris en charge, à l'américaine. Nous étions bien logés, bien mieux qu'à Saint-Trond. Nous avons été rééquipés de neuf, avec trois ou quatre combinaisons de vol, alors qu'en Belgique on pleurait pour en avoir une. Donc, c'était vraiment bien.

Au programme, cours au sol bien sûr et un cours de survie dans les swamps, les marais de la région où on nous a fait marcher au milieu des serpents et des alligators... Pas très rassurant. Nous avons aussi fait du parasailing.

Au niveau performances, le T-37 était similaire au Fouga, sauf qu'il était 'side by side'. La remise des gaz, comme sur Fouga, était assez délicate. Il avait aussi un aérofrein qui ressemblait à une grosse planche en dessous du fuselage et qui pouvait avoir des effets un peu pervers. C'était tout ou rien et il perdait rapidement de l'altitude. Et comme on ne pouvait pas rapidement le rattraper au moteur, c'était parfois un peu 'touchy'. Sinon, le programme était très bien. Il y avait une sorte de link trainer et un 'learning center' où le soir, dans des cabines, on pouvait suivre sur écran les cours sous forme de dias et de textes. Tout cela en plus des cours ex cathedra donnés en journée.

Les vols étaient beaucoup plus encadrés qu'en Belgique. Il y avait d'ailleurs moins de vols solo. Il y avait assez bien d''IF' (1) . On volait aussi le week-end, ce qui nous permettait de faire des navigations plus loin. En fonction du programme du vendredi - limité à seize heures de travail par jour - on partait le vendredi soir ou le samedi et on rentrait le dimanche soir, ce qui nous permettait en même temps de visiter le pays.

Comme nous étions quand même aux États-Unis, Marc et moi avons acheté d'occasion une Pontiac Firebird. Un peu après, nous avons appris le retrait américain du Viêt Nam et que des A-7 stationnés là-bas rentraient à Moody. Fermeture de la base donc en ce qui concerne l'entraînement... Marc et moi avons donc été assignés à Vance Air Force Base, dans les mornes plaines de l'Oklahoma. À ce moment, nous étions en juillet et nous avions quasiment terminé sur T-37. Nous étions peu réjouis à l'idée de faire notre formation sur T-38 en hiver, dans le froid et au milieu de nulle part. Par chance, dans notre promotion, il y avait deux Nigériens. Ils devaient aller à Williams Air Force Base, près de Phoenix en Arizona, mais ils avaient échoué. Nous n'avions rien à perdre à essayer d'y aller à leur place. Nous en avons discuté et nous avons décidé d'écrire à Randolph, où se situait le commandement de l'Air Training Command. Et ça a marché ! Seul problème, la promotion à Williams était en avance sur la nôtre à Moody qui avait été ralentie notamment par les mauvaises conditions météo. Nous allions donc être retardés de trois mois. Great! Trois mois de plus aux States ! Nous avons donc contacté l'ambassade qui nous a fait parvenir deux billets d'avion pour l'Arizona. Restait la question de la voiture, que nous aurions bien voulu garder. Finalement, tout s'est arrangé. Les Américains ont pris en charge tout notre déménagement. Nous nous sommes fait rembourser les billets d'avion et nous sommes partis en voiture pour Williams. Comme nous disposions de plus d'un mois pour rejoindre la base, nous avons suivi une route tout le long du golfe du Mexique en passant par la Nouvelle-Orléans, Austin, El Paso et Phoenix.

Nous avons ensuite poursuivi nos aventures sur T-38. Ici aussi, tout s'est très bien passé. C'était une belle petite machine. Il était supersonique, il avait la postcombustion. Ses ailes étaient en nid d'abeille. Il était donc très léger mais avec des moteurs puissants. En altitude, il ne consommait pas beaucoup. Sinon, les vols duraient en moyenne 1 heure 20 à 1 heure 30.

Nous faisions surtout du vol pur, des formations à quatre, mais pas de vols tactiques. Beaucoup d'instructeurs revenaient du Viêt Nam après leur tour de cent missions. Certains avaient été un peu secoués et devenaient plus que prudents alors que d'autres nous emmenaient sur le dos au-dessus du Grand Canyon ! Mais tout restait extrêmement encadré.

À la fin de notre formation, nous avons reçu nos ailes américaines et nous sommes rentrés en Belgique pour suivre notre conversion sur F-104G. Quant à la Firebird, nous l'avons vendue à Michel Singelé, qui nous suivait dans une autre promotion et qui l'a par la suite revendue à des élèves danois si je me souviens bien."

Fin mai 1976, ailes argentées épinglées sur la poitrine, Pierre Léonard arrive finalement à Beauvechain.

"J'ai commencé ma conversion au Flight TF avec Théo Everaert, qui était miragiste. Il venait de la 42 et qui avait donc les 500 heures de vol requises pour pouvoir voler sur F-104, comme le prévoyait la filière d'entraînement belge. En 1976, l'été était particulièrement sec et nous faisions entre deux et trois vols par jour. Ainsi, j'ai effectué pas moins de 90 heures en deux mois. Nous étions tous les deux particulièrement bien suivis, notamment par les adjudants-chefs comme 'Guyguy' Famenne, 'Fox' Devos, Michel Augustus ou encore Jan Govaerts. Et chacun d'entre eux avait sa spécialité : 'Guyguy' était un grand navigateur, 'Fox' excellait dans le combat, Fernand Dasseville, le patron du Flight TF, était très bon en IF... Tout ça nous a beaucoup aidés pour la suite."

Après avoir terminé sa conversion, Pierre Léonard est affecté à la 350e escadrille.

"Le 104 était un avion magnifique. Quand je pense à ce que les jeunes gamins que nous étions avons fait avec. Nous avons bien sûr perdu des gens mais il faut replacer ça dans les circonstances de l'époque. Les règles étaient beaucoup moins marquées et écrites. Nous étions en pleine guerre froide et nous évoluions à basse altitude parfois dans des conditions météo assez marginales. Notre terrain de chasse, c'était l'Allemagne, survolée à grande vitesse à 100 pieds à peine.

Nous avions quatre appareils en alerte QRA. Il s'agissait le plus souvent de missions d'entraînement car nous étions un peu en dehors des zones de survol des Badger et des Bison soviétiques. Je me rappelle toutefois avoir un jour intercepté un avion civil russe qui devait atterrir à Luxembourg et qui se trouvait à basse altitude du côté de Durbuy, où il n'avait absolument rien à faire. Il faut dire que c'était la période où on aménageait l'infrastructure de la base de Florennes pour y accueillir les missiles de croisière.

À l'époque, nous appartenions au secteur 2 de la zone TWOATAF. Et comme bases de chasseurs, il y avait Beauvechain et Wildenrath qui était équipée de Phantom FGR.2. Et nous opérions régulièrement ensemble. Le FGR.2 avait un radar Doppler, beaucoup plus performant que le nôtre. En 'look down', il y avait beaucoup de 'clutter' sur notre scope et à basse altitude, la portée était réduite à quelques nautiques. Le Doppler parvenait lui à voir à 25-30 nautiques facilement. Par contre, le Phantom ne disposait pas d'IFF Interrogator. Nous avions donc mis au point une méthode où un F-104 volait en CAP (2) dans l'aile d'un FGR.2. Le concept s'appelait Mixed Fighter Forces Operations- 'eyeball-shooter'. Le navigateur du Phantom repérait une cible sur le radar, nous la signalait et nous foncions à pleine PC pour avoir le plus vite possible une identification de la cible et laisser le temps au FGR.2 de préparer le tir 'head on' d'un missile Skyflash. C'est une tactique qui se pratique d'ailleurs encore toujours avec des avions différents mais complémentaires.

À cette époque, les vols stratosphériques venaient de se terminer et nous nous étions tournés vers des tactiques qui nous amenaient de plus en plus à moyenne et basse altitudes. Même si nous effectuions toujours des interceptions supersoniques. Nous étions principalement des chasseurs purs mais nous faisions aussi de temps en temps du tir canon ou des bombardements au napalm pour justifier un peu l'aspect chasseur-bombardier de l'avion.

Parmi les autres événements marquants au niveau opérationnel, je retiendrai que nous avons participé en 1979 au premier cours TLP volant, à Jever. Nous y participions notamment avec des Anglais et des Américains. Parmi ceux-ci, il y avait un membre du cadre qui avait été prisonnier pendant un an au Hanoï Hilton. Il faisait partie d'une vague d'appareils engagés au-dessus du Nord Viêt Nam et au cours de la mission, l'un des chasseurs avait aperçu un Mig qu'il avait pris en chasse et abattu. Directement après cette victoire, c'était la folie parmi les Américains. Tout le monde y allait de ses commentaires à la radio et, dans la cohue générale, notre pilote n'avait pas entendu son ailier l'avertir de la présence d'autres Mig et il s'était fait descendre. Le respect des procédures radio a dès lors fait partie des thèmes abordés dans ce TLP."

C'est aussi en 1979 que la Force Aérienne perçoit ses premiers F-16.

"C'est la 349e escadrille qui a été la première à faire sa conversion. Pour devenir la première unité opérationnelle sur F-16 au sein de l'OTAN, elle devait effectuer un TACEVAL mais son ratio de pilotes par avion était insuffisant. C'est comme ça qu'avec quelques autres, j'ai effectué ma conversion au sein du CC5 (3) , pour pouvoir voler en complément pour la 349.

Le F-16 était magnifique mais un peu délicat à voler, en particulier en formation, avec un stick qui ne bougeait pas et une ergonomie qui n'était pas parfaite. Les gouvernes de profondeurs étaient de petites dimensions, ce qui créait des problèmes de 'deep stall' également. Et puis, il y avait aussi des problèmes avec les batteries qui ne tenaient pas toujours suffisamment. Nous étions donc confrontés à toute une série de maladies de jeunesse. Mais comme nous avions la chance d'être dès le départ dans le programme, nous avons pu émettre des suggestions, ce qui a permis d'effectuer relativement vite les corrections nécessaires. Le nez noir, par exemple, a été remplacé par un nez gris avec des antennes pour évacuer l'électricité statique. Pendant plus d'un an, après chaque vol, il a fallu noter toute une série de paramètres qui étaient transmis au constructeur.

En plus, on volait comme des fous. On faisait du combat en lisse et on tirait dedans à fond. D'ailleurs, on revenait avec de petites taches rouges sur les bras et dans le dos. C'étaient les petits vaisseaux sanguins qui éclataient."

En 1982, Pierre Léonard part suivre son deuxième cycle pour devenir major. Il ne revient pas à Beauvechain mais est posté à Ramstein.

"Ça ne m'enchantait pas mais j'étais le seul de l'AAFCE qui avait volé sur F-16. C'était un avantage car j'ai été impliqué dans pas mal de choses. J'ai eu aussi l'occasion de participer à de nombreux exercices majeurs et de voler aussi sur F-15, Tornado, Phantom... Ce fut donc malgré tout une période intéressante.

À la fin de mon tour en état-major, en 1985, je me suis retrouvé Ops and training à Bierset, sur Mirage. Venant du F-16 et de la chasse, je n'étais pas vraiment heureux. Et pourtant, j'allais vivre à Bierset une période splendide ! Après trois vols, j'étais lâché solo et après dix vols, je me retrouvais en AMF à Balikesir, en Turquie, à faire du close air support à la frontière bulgare ! Au niveau professionnel, c'était impeccable.

Une anecdote concernant l'un des AMF où nous devions nous déployer à Balikesir. Nous venions de décoller d'Amendola et la clearance diplomatique nous a été refusée par les Grecs. À l'époque, Grecs et Turcs se disputaient l'île de Lesbos. Cette question constituait donc un sérieux nœud diplomatique. Quoi qu'il en soit, en Mirage, nous étions toujours un peu sur les chaussettes et nous voulions passer par Lesbos et gagner Balikesir par le chemin le plus court. Mais le contrôle grec voulait lui nous faire passer pratiquement par Istanbul, pour éviter justement que le 'hand over' avec les Turcs se fasse à hauteur de Lesbos. Comme nous n'avions pas suffisamment de fuel, nous avons décidé de continuer et nous avons été interceptés par des Mirage F1 grecs. J'avais le lead et j'ai dit aux gars sur notre fréquence interne de ne pas tourner la tête et de poursuivre. Et les Grecs ont commencé à nous faire des 'moustaches' mais ils n'ont pas tiré. Quand nous avons atterri à Balikesir, nous étions quasiment devenus des héros aux yeux des Turcs !

Le Mirage, lorsqu'il avait les petits bidons de 1300 litres, rollait pas mal et se débrouillait bien en combat canon. Son problème restait cependant son moteur. Lorsqu'il n'était pas suffisamment alimenté en air, le pilotage pouvait devenir assez délicat. Mais j'ai pris goût à ce métier de chasseur-bombardier, à voler très bas, en petites ou en grandes formations, à trouver mon target, etc.

Je suis ensuite devenu CO à la 1ère. Par rapport à la chasse, où on est plutôt réactif, ici, j'ai découvert des missions qu'il fallait minutieusement planifier. C'était nouveau pour moi et très intéressant aussi. Et puis en AMF, j'avais sous mes ordres plus de 120 personnes, pilotes, armuriers et mécaniciens. C'étaient aussi des expériences magnifiques sur le plan humain.

L'année 1987 fut particulièrement dense : période de tir à Zara, TACEVAL, AMF et air and race meeting. Tout ça en six mois ! Pour le TACEVAL, nous avons fait un 'rate one' sur toute la ligne, entre autres avec le soutien de notre char, le 'Baroudeur'. Ce n'était plus le char d'origine car son moteur était mort mais nous en avions reçu un nouveau de l'arsenal de Rocourt qui était d'ailleurs toujours repris à l'inventaire. Et nous nous en sommes servis pour repérer notamment avec son système infrarouge les assaillants qui venaient attaquer le bunker de nuit.

Le meeting fut aussi une réussite, loin des conventions. L'avion dessiné par Baudouin Litt était magnifique. Nous avons eu aussi la participation des principales patrouilles européennes. Et puis, il y a surtout eu la course entre le Mirage, la F1 et la moto. Nous avions reçu le soutien des chefs et tout le monde s'était donné à fond. Une magnifique expérience."

En 1990, après un nouveau tour d'état-major de deux ans à VS3 Tac, Pierre Léonard débarque à Brustem comme OSN, sur Alpha Jet

"L'État-Major voulait absolument placer quelqu'un de la TAF au sein du Groupement Entraînement pour changer les choses et rebattre un peu les cartes. Et c'est ainsi que je me suis retrouvé OSN à Saint-Trond, alors que je n'avais au départ aucune qualification de moniteur. J'ai fait une conversion rapide d'un mois et demi pour obtenir mon brevet. Je suis resté à Brustem deux ans, un tour finalement intéressant pendant lequel j'ai eu comme élève certains pilotes que je retrouverai plus tard quand je serai BaseCo à Florennes.

Le problème, c'est que la TAF et le QG Training avaient chacun leur propre filière et que les passerelles entre les deux étaient rares. Je craignais d'avoir mis les pieds au mauvais endroit et ça s'est vérifié lorsque j'ai été choisi pour occuper un poste de chef de département Force Aérienne à l'École militaire. Je la trouvais donc un peu saumâtre... Heureusement, le colonel André Perrad et le lieutenant-général Piet Van Esse m'ont sauvé la mise et j'ai réintégré la TAF comme responsable des opérations aériennes. Je suis resté à ce poste cinq ans, jusqu'en 1997.

C'est l'époque où nous avons relancé Red Flag. C'était en 1993. En tant qu'ancien American trainee, j'avais de très bons contacts avec l'attaché de défense de l'époque. Au lieu de dépêcher quelques pilotes, on avait négocié l'envoi d'une escadrille complète. À l'époque, nous allions bien nous entraîner au Maroc, mais nous ne faisions pas de live bombing, l'entraînement était différent alors que les coûts étaient pratiquement similaires. C'est pourquoi, toutes les escadrilles F-16 ont pu se rendre à Red Flag, ce qui s'est avéré payant car, par après, nous nous sommes retrouvés engagés dans les Balkans avec des gens à présent bien entraînés.

Entre-temps, lieutenant-général Mich Mandl, qui était devenu VS (4) , anticipant la restructuration prochaine des états-majors, m'a désigné pour l'Eurocorps en tant qu'adjoint au commandant de la RACE (5). J'y suis resté quatre ans : deux comme sous-chef et deux comme chef de la Représentation Air."

En 2001, Pierre Léonard retrouve enfin un commandement en unité opérationnelle, au 2e Wing tactique de Florennes, et le F-16.

"L'avion avait évidemment beaucoup changé par rapport à celui que j'avais connu à Beauvechain. Le MLU, a soudain ouvert une nouvelle porte en termes de capacités. La configuration polyvalente du F-16 lui permet aujourd'hui de faire pratiquement tout. On a notamment voulu conserver une capacité recce. On a investi dans le pod MRP, qui est quand même assez pénalisant au niveau vol. On ne pouvait pas le larguer et il prenait un point d'emport. Aujourd'hui, le Sniper pod est encore plus performant et permet de faire de l'identification ou de la désignation, de jour comme de nuit, et sans perdre de point d'emport. Tactiquement, c'est donc ce qu'il faut.

D'un point de vue opérationnel, nous avons préparé durant ma période de commandement un déploiement limité de techniciens à Kunduz, en Afghanistan et de quelques avions à Kaboul mais qui n'a pas duré très longtemps. Et puis, un jour j'ai reçu un coup de téléphone du général-major Michel Audrit qui me demandait si nous pouvions envoyer des avions à Šiauliai, en Lituanie, dans le cadre d'une mission QRA au profit des États baltes.

- Bien sûr, ai-je répondu. Quel délai ?
- Trois jours.

Trois jours plus tard, nous étions opérationnels sur place."

À l'issue de son commandement, en 2004, Pierre Léonard effectuera encore un tour de J-5 Operational Planning au SHAPE avant de raccrocher définitivement son casque de vol et de le troquer pour son casque de moto, sa deuxième passion.


(1)  Instrument flying : vol aux instruments
(2)  Combat Air Patrol
(3)  Conversion Course
(4)  Chef d'État-Major de la Force Aérienne
(5)  Représentation Air auprès du Corps européen


interview: Vincent Pécriaux (29 novembre 2014)
Mise en page : Daniel De Wispelaere
Note : Reproduction interdite sans l'accord préalable écrit de leurs auteurs respectifs


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