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Carnets de vol: Marcel Noël

Carnets de vol: Marcel Noël


Carnets de vol: Marcel Noël

Marcel Noël n'a que seize ans lorsque, en 1950, il s'engage dans l'armée. Un an plus tard, il passe les examens requis pour devenir élève-pilote. Il est intégré à la 122ème promotion et effectue en juillet 1951 ses premiers vols sur SV-4 à l'Ecole de Pilotage Elémentaire de Gossoncourt. Au programme, l'apprentissage du pilotage, du vol en formation, de la navigation, du vol acrobatique ... et du vol aux instruments.

"Un jour, un moniteur SV-4 était parti faire du PSV (pilotage sans visibilité) avec un élève. Un autre élève, un copain de ma promotion, avait pris place dans un autre SV pour filmer le vol avec sa caméra 16 mm. Il avait demandé au moniteur de faire de l'acrobatie. Or, pour le PSV, des panneaux étaient appliqués sur la verrière du SV-4 pour empêcher l'élève de voir à l'extérieur et pendant les évolutions les panneaux se sont évidemment détachés pour tomber dans un champ qu'un agriculteur était en train de labourer. Ils ont rapidement atterri dans la prairie à côté pour ramasser les panneaux PSV avant de redécoller. Naturellement, ça s'est su quelques temps après puisque tout était sur le film."

Vient ensuite, en mai 1952, le passage sur Harvard à l'Ecole de Pilotage Avancé de Brustem.

"C'est le commandant d'escadrille qui m'a fait passer mon final test de navigation sur Harvard. Après avoir atteint Wetteren à l'heure prévue, je mets le cap sur Thieusies. Arrivé à mi-chemin, le commandant me dit:

- OK, j'ai les commandes. Je voudrais maintenant que tu ailles à Borlon. C'est un petit village tout près de Liège. Il y a une ferme-château que tu verras indiquée sur la carte.

Il me donne les coordonnées et commence à tourner en rond pendant que je consulte la carte et calcule mon ETA (estimated time of arrival). Ce qu'il ignore, et je me garde de le lui dire à ce moment, c'est que Borlon se trouve à deux ou trois kilomètres de chez mes parents et que, pour quelqu'un qui connaît la région, trouver le château ne pose pas vraiment de problème. Je reprends les commandes et prends mon cap pour Borlon où nous arrivons quelques temps après.

Un peu étonné par la rapidité avec laquelle j'avais trouvé le château, il reprend le contrôle de l'appareil et me dit:

- Bon, maintenant tu prends un cap pour rentrer à Brustem en rase-mottes.

Je vire en direction de Clavier, où habitent mes parents, et à un moment donné, sur ma droite, j'aperçois le grand toit rouge de la gendarmerie. J'ai effectué une légère correction de deux ou trois degrés et je suis passé à ras du toit avant de rentrer à Brustem. J'ai obtenu 92 % pour ma navigation qui était impeccable.

Le soir, nous partons tous prendre un verre à Saint-Trond. Au cours de la soirée, le commandant d'escadrille dit à mon moniteur, qui connaît la combine puisque nous avons déjà survolé la région ensemble:

- Ca, je ne comprends quand même pas. Il a trouvé Borlon si facilement. Et en plus, on a reçu un rapport de gendarmerie comme quoi on a frôlé le toit de la gendarmerie de Clavier ! Je ne comprends vraiment pas...

Je lui ai alors dit que s'il me laissait mes points je lui expliquerais toute l'histoire. J'en ai été quitte pour une tournée mais j'ai gardé mes 92 % !"

Marcel Noël passe ensuite sur Spitfire Mk IX, puis Mk XIV à l'Ecole de Chasse de Coxyde.

A l'issue de sa conversion, il reste sur cette base pour y assumer les fonctions d'instructeur. Ses missions ne s'arrêtent pourtant pas là puisqu'il effectue également de nombreux vols de remorquage de cible sur Harvard, Mosquito et Spitfire au profit de l'Ecole d'Artillerie antiaérienne de Lombardsijde toute proche.

"J'ai effectué pendant plus d'un an, surtout en Harvard mais aussi en Spit, des missions au profit des artilleurs. On effectuait à chaque fois quatre passages, à 2000, 1500, 1000 et 500 pieds, entre l'église de Westende et Nieuport-Bains. Il nous arrivait de voler plus bas mais il ne fallait pas trop descendre sinon les artilleurs ne parvenaient plus à tirer."

Il se qualifie également sur Airspeed Oxford, utilisé principalement comme avion de liaison.

"Un jour, je devais conduire en Oxford un copain qui faisait mutation vers Brustem. J'avais également à bord deux mécaniciens qui venaient de travailler sur mon appareil et qui m'avaient demandé l'autorisation de nous accompagner. Nous décollons donc vers Brustem. Le vol se déroule sans histoires jusqu'au moment où un piston passe à travers le capot. Volant à présent sur un seul moteur, je prends la décision de me détourner vers Chièvres. Le temps devenait de plus en plus mauvais et, en moi-même, j'espérais que le deuxième moteur, celui-là même sur lequel les deux mécanos avaient travaillé, tiendrait le coup. Au fur et à mesure que nous approchions de Chièvres, le plafond descendait. Pour couronner le tout, je n'avais plus de radio car la génératrice fonctionnait sur le moteur en panne et les batteries étaient en si mauvais état qu'elles ne chargeaient pratiquement plus. Malgré tout, j'ai rejoint Chièvres. Arrivant dans le circuit, j'ai battu des ailes pour attirer l'attention de la tour sur ma situation qui m'a donné le "vert" pour atterrir."

Bientôt, ce sont les derniers vols sur Spit.

"En rentrant d'une navigation, j'ai eu problème avec la pompe de refroidissement dont l'axe s'était cassé. La température du moteur s'est tout de suite mise à grimper. Heureusement, j'évoluais à environ 9.000 pieds et je suis parvenu à atterrir sans beaucoup de problèmes. L'avion a tout de suite été déclassé et est parti au cimetière. Le lendemain, alors que je faisais un vol avec d'autres appareils, mon moteur a commencé à perdre de la puissance. Je ne parvenais plus à maintenir le contact avec le leader. J'ai bien poussé la manette des gaz à fond et j'ai cassé le fil frein qui empêche de mettre le moteur en surrégime, mais rien à faire. Le moteur commençait à fumer et à cafouiller. Je pensais qu'il allait exploser. Je me trouvais à ce moment à peu près au même endroit que la veille. Je suis resté dans l'avion en me disant qu'à la vitesse où il dégringolait je serais au sol avant d'avoir pu sauter. J'hésitais d'autant plus à quitter l'avion que j'avais vu un moniteur qui un jour avait eu ses commandes de profondeur sectionnées par l'hélice de l'appareil qui le suivait et qui avait tenté de sauter. Après avoir rabattu la verrière, il avait ouvert la petite porte qui se trouve du côté gauche du cockpit mais en sortant il était resté accroché. A moitié hors de la carlingue, il tentait tant bien que mal de contrôler le Spit qui était maintenant en perte de vitesse. L'avion a frôlé une rangée d'arbres bordant la route de Safraanberg avant de se poser presque normalement dans un champ. Le pilote a cependant été violemment projeté à l'extérieur et a été grièvement blessé. Finalement, ma décision était la bonne puisque, fois encore, j'ai réussi à me poser. Mais c'était le deuxième avion que j'envoyais à la casse en deux jours!"

Sa conversion sur avion à réaction est assez rapide puisque, en septembre 1953, après environ deux heures en Meteor T.7, il est laché sur Meteor F.4.

"Je n'ai volé que trois heures quarante-cinq sur Meteor mais, pour moi, par rapport au Spitfire, c'était un véritable tapis volant. Il était silencieux, la vue vers l'avant était excellente, il grimpait bien et on se retrouvait vite à 40.000 pieds. C'était vraiment une belle machine."

Marcel Noël volera encore deux ans sur Piper L-18C à la 15ème escadrille AOP (Air Obervation Post) de Brasschaat avant d'entamer une nouvelle carrière comme pilote de ligne à la SABENA


Interview: Vincent Pécriaux
Note: Reproduction interdite sans l'accord préalable écrit de leurs auteurs respectifs


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